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Allocution de Rumina Velshi, présidente, au Symposium sur la gestion des déchets 2019

Le 4 mars 2019

Phœnix (Arizona), États‑Unis

Le texte prononcé fait foi

Bonjour à tous.

Je m’appelle Rumina Velshi. Je suis présidente et première dirigeante de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, ou CCSN. J’ai assumé cette fonction en août 2018. Avant cette date, j’ai travaillé dans le secteur nucléaire du Canada pendant plus de 30 ans, occupant des postes de scientifique, d’ingénieure nucléaire et de gestionnaire auprès d’Ontario Hydro et d’Ontario Power Generation. Avant de poursuivre, je remercie les organisateurs et les coprésidents de la séance de m’avoir invitée à présenter des commentaires dans le cadre de cette importante et prestigieuse réunion.

La gestion des déchets est une priorité clé pour beaucoup d’entre vous et est un élément central de la préoccupation du public à l’égard du secteur nucléaire depuis des décennies. Cela restera certainement le cas pendant des années à venir. Il est donc rassurant et encourageant de voir autant de personnes consciencieuses et intelligentes se réunir au même endroit pour assurer la poursuite de ce travail important. L’élaboration et la mise en œuvre de solutions sûres, responsables, judicieuses et efficaces aux déchets radioactifs et au déclassement doivent demeurer prioritaires aujourd’hui et dans les prochaines années. L’avenir du secteur nucléaire y sera étroitement lié.

J’aborderai aujourd’hui les quatre thèmes suivants :

  • le temps que j’ai passé jusqu’ici à la CCSN et ma vision pour l’avenir;
  • l’importance de la collaboration internationale;
  • le besoin d’ouverture et de transparence;
  • et la nécessité d’encourager les jeunes à participer.

Ma vision

Pour ceux qui ne connaissent pas la CCSN, vous allez en apprendre beaucoup sur nous et sur nos activités au cours des prochains jours, alors que plusieurs membres de notre personnel participeront aux tables rondes et présenteront des exposés. En résumé, nous sommes l’organisme de réglementation nucléaire indépendant du Canada et notre priorité est la sûreté. Nous sommes chargés de réglementer tous les aspects du nucléaire au Canada. De l’extraction minière de l’uranium jusqu’à la gestion des déchets radioactifs, en passant par le combustible nucléaire, les réacteurs de centrale et de recherche nucléaires, et les applications médicales, industrielles et éducatives des matières nucléaires.

La Commission comprend :

  • une Commission quasi judiciaire indépendante, formée d’un maximum de sept membres, qui prend les décisions en matière de délivrance de permis pour les principales installations et activités nucléaires.
  • une organisation composée de plus de 900 employés s’assurent que les décisions et les conditions de la Commission sont respectées au moyen d’inspections, de mesures d’application de la loi et de rapports. Ces employés consciencieux et spécialisés travaillent partout au Canada dans des bureaux régionaux ainsi que des bureaux de sites dans les grandes installations nucléaires. Les décisions de la Commission reposent sur les meilleures données scientifiques et techniques disponibles et ne peuvent être révisées que par la Cour fédérale, pas par de politiciens.

J’ai été commissaire pour plus de six ans avant d’être nommée présidente et première dirigeante en août dernier. Donc, lorsque j’ai accepté cette nouvelle fonction, je connaissais déjà bien l’organisation et une bonne partie de l’excellent travail accompli par son personnel.

Les quatre grandes priorités de la CCSN sont les suivantes :

  • avoir une approche moderne de la réglementation du secteur nucléaire;
  • être un organisme de réglementation fiable;
  • maintenir une influence mondiale dans le domaine nucléaire et
  •  améliorer l’efficacité de la gestion.

Une approche moderne à l’égard de la réglementation du secteur nucléaire signifie que nous utilisons des pratiques réglementaires fondées sur la science, axées sur le risque et rigoureuses sur le plan technique qui tiennent compte des incertitudes et des attentes en constante évolution. Cela nous met en position d’évaluer les implications réglementaires des nouvelles technologies nucléaires d’avant-garde. Cela signifie également que nous devons veiller à la mise en place d’une culture qui favorise un débat scientifique ouvert, professionnel, empreint de respect, où il n’existe aucune peur de représailles.

Être un organisme de réglementation fiable équivaut à être reconnu par le public, les peuples autochtones et le secteur nucléaire comme indépendant, compétent et transparent. Cela signifie également que nous sommes reconnus comme une source crédible de renseignements scientifiques, techniques et réglementaires. Un élément essentiel au maintien de notre influence mondiale sera la poursuite de nos efforts pour accroître la sûreté nucléaire internationale, en particulier nos efforts de collaboration. Ces efforts ont d’importantes implications pour les déchets radioactifs et le déclassement. J’y reviendrai dans quelques instants.

Enfin, améliorer l’efficacité de la gestion signifie que nous devons nous assurer que notre organisation est souple, dotée d’employés très qualifiés et représentative de la population diversifiée du Canada. Cela signifie aussi que nous nous appuyons sur des pratiques et des outils de gestion modernes, ce qui nous permet de nous adapter à un secteur et à une main-d’œuvre en constante évolution.

En plus de ces priorités, je me suis personnellement engagée à promouvoir les carrières en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques, ou STIM, auprès des femmes et des jeunes filles. En tant qu’ingénieure comptant près de 40 années d’expérience dans le secteur nucléaire, j’ai vu des mesures appropriées éliminer les obstacles auxquels se heurtent les femmes dans les domaines liés aux STIM. Mais il reste encore beaucoup à faire. Il nous faut reconnaître et éliminer les préjugés culturels qui empêchent les femmes de travailler et de s’épanouir dans ces domaines. C’est notre responsabilité à tous. Lorsque nous donnons aux femmes les moyens d’agir, c’est tout le monde qui en bénéficie. Je vous invite tous ici à vous joindre à moi pour agir et apporter des changements positifs en faveur de l’équilibre des genres en milieu de travail.

En plus de ces priorités, j’ai une attente particulière par rapport à la gestion des déchets et au déclassement au Canada. Simplement, l’ensemble des déchets radioactifs et des activités de déclassement doivent être sûrs et bien gérés.

Il existe toute une série de projets et d’activités de gestion des déchets et de déclassement en cours au Canada, et ils suscitent beaucoup d’intérêt dans la population. Si nous ne sommes pas en mesure de démontrer que les déchets sont sûrs et bien gérés, et que nous avons obtenu la participation des peuples autochtones et du public, bon nombre de ces projets n’iront probablement pas de l’avant. Je me souviens d’expériences récentes au Canada, et je les compare avec les témoignages que j’ai entendus venant d’autres pays pour illustrer ce propos. Deux, en particulier, me viennent à l’esprit. Tout d’abord, en 2010 au Canada, de sérieuses préoccupations ont été formulées à propos du transport prévu de générateurs de vapeur ou de chaudières contaminées. Même si cela s’est passé avant mon arrivée, je me rappelle avoir suivi ces événements dans les médias. L’un de nos exploitants de centrale nucléaire souhaitait expédier 16 générateurs de vapeur en Suède aux fins de recyclage. La peur et la colère qui ont mené les collectivités et leurs représentants à se placer sur le parcours, y compris deux des Grands Lacs et le fleuve Saint‑Laurent, ont été sans précédent.

Le personnel de la CCSN a rencontré des députés, des maires, des conseillers municipaux, ainsi que des chefs et des collectivités autochtones avant l’audience sur la délivrance de permis de la Commission. Il a expliqué la demande, les responsabilités de la CCSN, et notre engagement à assurer la sûreté de manière impartiale, objective et scientifique. Les données scientifiques ont démontré que la radioactivité des générateurs de vapeur était négligeable et qu’ils ne présentaient pas de menace réelle pour la santé publique ou l’environnement, et ce, sans égard au scénario d’accident. La Commission a finalement approuvé la demande d’expédition de ces générateurs. Toutefois, l’opposition publique a continué et ces générateurs de vapeur se trouvent encore sur le site de l’exploitant, selon la décision de ce dernier.

Je compare cette situation avec celle mentionnée dans une présentation récente de Mark Foy, inspecteur en chef de l’Office of Nuclear Regulation du Royaume‑Uni, sur le déclassement et la remise en état des sites hérités. L’un des points qu’il a abordés était le retrait de cinq chaudières de la centrale nucléaire de Berkeley et leur transport en Suède aux fins de recyclage. Il nous a montré une photo des chaudières transportées par camion dans une rue étroite où l’on pouvait voir, des deux côtés, des spectateurs curieux, mais qui semblaient plutôt indifférents.

La différence n’aurait pu être plus marquée. Était-ce quelque chose que l’organisme de réglementation a fait ou n’a pas fait? Les perceptions de la population des deux pays étaient‑elles qualitativement différentes? Ou y avait‑il autre chose? Si les choses se passent comme prévu au Canada, dans les décennies à venir, le combustible nucléaire usé sera transporté par les routes ou les chemins de fer nationaux jusqu’à sa destination finale, soit un dépôt géologique en profondeur. Si le transport des générateurs de vapeur à peine radioactifs a suscité des préoccupations telles qu’ils se trouvent encore à la même place, quelles sont les chances que le transport de combustible nucléaire usé soit bien accueilli? Il m’apparaît clairement qu’aucun de nous ne connaît toutes les réponses; nous devons donc nous engager à apprendre et à échanger en permanence. Cela m’amène au deuxième point de mon exposé : l’importance de la collaboration internationale.

Collaboration internationale

Je reconnais qu’il n’existe pas de solution universelle à la gestion des déchets radioactifs à l’échelle mondiale. De plus, je suis convaincue que pour la population, en ce qui a trait au secteur nucléaire, les préoccupations concernant la gestion des déchets radioactifs ne sont éclipsées que par les inquiétudes au sujet des accidents nucléaires graves. Par conséquent, nous devons absolument chercher des solutions appropriées pour nos profils d’élimination des déchets respectifs et nos réalités sociales particulières. Bien entendu, chaque pays a son propre contexte et ses propres considérations, et recherche les solutions adéquates. Par exemple, que nous indiquent les éléments de preuve comme possibles solutions concrètes aux déchets d’un pays? Quelle est la tolérance au risque? Une solution proposée comporte‑t‑elle des limites financières, ou n’y a‑t‑il aucune limite? Quels sont, le cas échéant, les obstacles ou les incitatifs à l’innovation? Et, bien entendu, quel est le sentiment de la population à l’égard de la gestion des déchets? Il y a tellement de variables et d’enjeux à prendre en considération qu’on peut facilement se sentir dépassé. À mes yeux, tous ces éléments font ressortir l’importance de la collaboration internationale sur les plans réglementaire et opérationnel.

La Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs est un excellent exemple de cette collaboration. Ce forum nous permet de démontrer notre engagement à atteindre et à maintenir un niveau élevé de sûreté dans la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Il favorise la collaboration et les échanges d’expériences, ainsi que le respect des ententes internationales. À la CCSN, nous sommes fiers qu’on nous ait attribué plusieurs pratiques exemplaires dans le cadre du processus de la Convention commune. Nous démontrons également notre engagement envers la transparence en publiant notre rapport national tous les trois ans sur notre site web, ainsi que toutes les questions que nous recevons des États membres et les réponses que nous fournissons. Nous devons échanger nos expériences, nos leçons retenues et nos pratiques exemplaires afin d’être en mesure d’explorer à fond les solutions les mieux adaptées à nos contextes respectifs et de déterminer comment nous améliorer constamment.

Les examens par les pairs de l’Agence internationale de l’énergie atomique constituent un autre outil très utile pour y parvenir. Les évaluations rigoureuses périodiques par des équipes d’experts internationaux devraient figurer au sommet de la liste des priorités des États membres. Le Canada appuie sans réserve et accepte les missions d’examen par les pairs de l’Agence internationale de l’énergie atomique, et y participe. Nous accueillons deux missions cette année : la mission du Service d’examen intégré de la réglementation, notre première depuis 2009, et notre toute première mission du Service d’examen de la préparation aux situations d’urgence, ou EPREV. Nous accueillons favorablement les conclusions et les recommandations des deux missions, et nous nous attendons à ce qu’elles renforcent non seulement la confiance de la population envers l’approche du Canada en matière de gestion des déchets, mais relèvent aussi des possibilités d’amélioration pour nous.

Nous encourageons tous les États membres à accueillir favorablement les examens par les pairs et à publier l’ensemble des conclusions et des recommandations afin que leurs réponses puissent faire l’objet de suivi et de rapports. Il est extrêmement important de faire le suivi de nos progrès, ou même de nos difficultés, et d’en rendre compte afin d’apprendre les uns des autres et de nous soutenir mutuellement. Par exemple, au Canada, nos sites d’exploitation minière modernes gèrent leurs déchets d’une manière que nous considérons comme la meilleure du genre, en fonction du principe du pollueur‑payeur.

Aujourd’hui, aucun permis d’exploitation de mine d’uranium n’est délivré avant que le promoteur ait fourni la preuve qu’il sera en mesure de gérer les déchets de façon sûre et de restaurer le site une fois l’exploitation terminée. Les promoteurs doivent non seulement élaborer un plan, mais aussi verser une garantie financière pour s’assurer que les fonds nécessaires seront disponibles. Mais cela n’a pas toujours été le cas, et l’on s’efforce actuellement de remettre en état plusieurs sites hérités, où la gestion des déchets était prise en compte après-coup, si tant est qu’on en tînt compte. Nous avons donc beaucoup à apporter aux pays où se trouvent des exploitations minières d’uranium ou qui envisagent des projets dans ce domaine. Mais nous sommes également soucieux de tirer profit de l’expérience de ceux qui remettent en état des sites hérités contaminés, ou qui l’ont fait. Peu importe les problèmes que nous traitons, rappelons‑nous que par les temps qui courent, tous nos faits et gestes sont censés s’accomplir en toute transparence.

Cela m’amène à mon troisième point : le besoin d’ouverture et de transparence.

Ouverture et transparence

Comme je l’ai mentionné plus tôt, il est essentiel d’être un organisme de réglementation fiable. La population doit avoir confiance en notre travail et nos méthodes de gestion des risques nucléaires. L’ouverture et la transparence sont d’importants piliers de la confiance et sont prises très au sérieux par la CCSN. Non seulement nous ouvrons l’accès à nos délibérations sur la délivrance de permis à toutes les parties intéressées, et nous transmettons nos séances en direct par webdiffusion sur notre site, mais nous encourageons aussi les parties intéressées à participer aux séances. Nous allons encore plus loin en offrant un soutien financier aux parties admissibles afin de faciliter davantage leur participation à ces délibérations. Ce soutien financier est assuré par nos titulaires de permis. Je mentirais si j’omettais de mentionner que certains titulaires de permis n’étaient pas des plus enthousiastes à l’idée de financer la participation d’opposants aux processus de la Commission. Toutefois, je pense qu’ils reconnaissent tous l’utilité d’encourager et d’appuyer la participation du public.

Cette participation permet à toute personne intéressée de formuler publiquement ses questions, ses préoccupations, ses suggestions et ses témoignages, et le processus exige des promoteurs et du personnel de la CCSN qu’ils fournissent des réponses. Les commissaires examinent ensuite toute l’information fournie et rendent des décisions fondées sur les données scientifiques et les preuves.

Évidemment, le fait d’être en mesure de participer ne garantit pas que tous seront satisfaits du résultat. Toutefois, l’absence de participation du public au processus risque d’entraîner un manque d’acceptabilité sociale, en particulier lorsqu’il s’agit de projets de gestion des déchets et de déclassement. En encourageant et en accueillant favorablement la participation, nous espérons que tous reconnaîtront qu’un processus équitable, qui respecte leurs commentaires et y accorde de l’importance, est en place. Mais c’est loin d’être suffisant. Nous savons également que la plupart de nos parties intéressées et la population en général souhaitent obtenir le plus de renseignements possible et le plus souvent possible. Cela peut nous poser problème, à nous et à notre collectivité réglementée, car nous traitons une grande quantité de données très techniques. Nous avons accompli d’énormes progrès ces dernières années afin de fournir une information adaptée aux besoins de nos différents publics, une information concrète, éclairante et conviviale.

Nous travaillons également à mettre les données brutes à la disposition des parties intéressées. Nous voulons nous assurer de permettre aux organisations spécialisées de la société civile d’accéder à l’information et aux données brutes dont elles ont besoin pour effectuer leurs propres analyses détaillées et indépendantes. Nous devons nous assurer constamment de la solidité des données scientifiques. Et, de préférence, nous transmettons des données scientifiques éprouvées qui relèvent du bon sens et nous touchent tous.Tout cela est plus facile à dire qu’à faire, bien entendu, et il y a bien d’autres mesures que nous pouvons prendre pour améliorer les choses. Nous sommes déterminés à y parvenir.

Nous exigeons également que nos principaux titulaires de permis mettent en œuvre des programmes d’information publique afin d’éclairer la population sur leurs activités. Une demande fréquente concerne la publication par les parties intéressées de leurs plans de gestion des déchets, car la population souhaite connaître les plans à court et à long terme pour tous les déchets produits. Pourtant, les titulaires de permis nous disent souvent que ces documents sont de nature exclusive et ne peuvent être divulgués. Les titulaires de permis devraient pouvoir fournir certains des renseignements demandés sans renoncer à leur avantage concurrentiel. Cette question est en tête de nos préoccupations, et nous sommes déterminés à tenter de la résoudre à la satisfaction de tous.

Mais il ne s’agit pas seulement de communiquer de l’information; la consultation est également importante, sinon plus. Nous consultons toutes les parties intéressées, membres ou non du secteur, au sujet d’une grande partie de nos activités. Nous accordons de l’importance à tous les commentaires reçus, et nous prenons le temps d’examiner les observations et les suggestions qui nous sont communiquées. Des pressions s’exercent de plus en plus pour que les titulaires de permis mettent les plans de déclassement à la disposition du public aux fins de consultation dans le cadre de leur élaboration. C’est un aspect que nous appuyons entièrement. Il est difficile de s’opposer à l’idée que la collectivité doit avoir voix au chapitre dans la façon dont les installations nucléaires seront prises en charge une fois qu’elles auront atteint leur fin de vie utile.

En ce qui concerne la participation communautaire, il n’y a pas de collectivités plus importantes pour notre travail que celles des peuples autochtones au Canada.  Les droits des peuples autochtones sont inscrits dans la Constitution canadienne. Les tribunaux ont également conclu que le gouvernement devait mener des consultations sur les conséquences éventuelles pour ces droits des projets ou des enjeux sur lesquels il a une décision à prendre, et y remédier. Cette responsabilité en matière de consultation pour les projets nucléaires incombe sur nous, la CCSN, en tant qu’organisme gouvernemental. Nous assumons cette responsabilité en toute sincérité, et nous accordons de l’importance aux relations que nous avons établies avec bon nombre de collectivités autochtones. J’ai rencontré récemment les chefs de certaines collectivités autochtones, et j’ai fait grand cas des connaissances et des points de vue qui ont été échangés. Je me réjouis à l’idée de rencontrer beaucoup d’autres chefs autochtones au cours des mois à venir et de renforcer nos relations avec les collectivités autochtones à long terme. Parlant de long terme, j’en arrive à mon dernier point : encourager les jeunes à participer à la gestion des déchets radioactifs et au déclassement.

Encouragement des jeunes

De constater la présence d’un aussi grand nombre de jeunes brillants et enthousiastes dans l’auditoire ce matin et, de façon générale, dans cette rencontre me donne beaucoup d’espoir. J’espère que votre présence signifie que vous reconnaissez l’importance du travail lié à la gestion des déchets radioactifs et au déclassement dans les décennies à venir. Peu importe que le secteur nucléaire prenne de l’expansion, diminue en importance ou maintienne le statu quo, l’élaboration et la mise en œuvre de solutions appropriées concernant les déchets produits ne sont pas qu’une bonne chose à faire, elles sont absolument nécessaires. Je ne crois pas que c’est un cliché de dire que vous faites partie d’une génération d’innovateurs. Comment pourrait-il en être autrement?  Dans ce monde interconnecté, vous avez dû trouver votre chemin et vous démarquer des autres d’une façon quasi inconcevable pour les gens de ma génération. Et tout comme pour les changements climatiques, on vous demande de régler des problèmes dont vous n’êtes pas responsables, mais dont vous avez hérité.

Un exemple que j’ai vu dernièrement et qui me donne de l’espoir, car il s’apparente beaucoup à votre situation, est celui de Boyan Slat. Boyan est le jeune inventeur de 24 ans des Pays-Bas qui a créé l’organisme sans but lucratif appelé The Ocean Cleanup, dont il est d’ailleurs premier dirigeant. Boyan a fondé l’organisme en 2013, se donnant pour mission d’éliminer les matières plastiques des océans après avoir constaté l’ampleur du problème que pose cette pollution alors qu’il faisait de la plongée en Grèce en 2011.  Il a conçu un système de digues modulaires alimentées à l’énergie solaire qui flottent sur l’eau et recueillent passivement les déchets de plastique. Il a obtenu un soutien financier important pour son projet, mais il a aussi été visé par le scepticisme et la critique de beaucoup de gens de la communauté scientifique. Il affirme qu’il n’a jamais envisagé son système comme étant la solution ultime, mais plutôt comme une partie de la solution à un problème d’envergure.

En octobre dernier, son système de digues a été transporté jusqu’au grand vortex de déchets du Pacifique, à mi-chemin entre la Californie et Hawaï, afin d’être soumis à ses premiers essais véritables. Son invention n’a pas fonctionné comme il l’espérait, à la grande joie de beaucoup de ses critiques. Mais Boyan et son équipe ne se sont pas laissé décourager et, par-dessus tout, leurs bailleurs de fonds ne les ont pas abandonnés. Ils ont ramené le système de digues sur la terre ferme afin de le réparer et de le modifier en appliquant les leçons apprises, et ils comptent bien le déployer à nouveau en mer dès que possible. Pourquoi vous ai-je relaté cette histoire? Selon moi, elle illustre bien la détermination qui se dégage de vous et des jeunes gens en général. Vous êtes prêts à vous attaquer aux problèmes qui se posent dans le monde et à chercher des façons novatrices de les régler.

L’histoire de Boyan n’est peut-être pas directement liée aux déchets radioactifs, car nous ne pouvons pas nous permettre de nous tromper, mais à mes yeux, elle fait ressortir les aptitudes, les intentions et le courage remarquables que j’observe chez tant de jeunes gens aujourd’hui. J’ai bon espoir que vous jouerez un rôle indispensable dans la quête de solutions à beaucoup de nos problèmes. Et une façon de mettre vos talents et votre courage à contribution pour résoudre ces problèmes consiste à nous aider à avoir les conversations ou les discussions les plus pertinentes. Peut-être nous manque-t-il des échanges ou des débats élargis, que nous devons tenir au Canada et dans d’autres pays concernant les déchets radioactifs.

Karine Glenn, notre directrice de la Division des déchets et du déclassement, membre de l’équipe de la CCSN qui participe à ce symposium, m’a récemment fait part d’une de ses expressions favorites. « On peut être pour ou contre l’énergie nucléaire, mais tout le monde doit être en faveur de la gestion sûre des déchets radioactifs. » La première fois que j’ai entendu cette expression, elle m’a semblée logique, et c’est toujours le cas en principe. Dans les faits, toutefois, je me demande si les déchets radioactifs ne constituent pas, pour les personnes ayant une opinion déterminée, un moyen pratique de s’en prendre au secteur nucléaire et d’alimenter la peur et l’inquiétude. Nul besoin de vous dire que les données scientifiques, la technologie et les programmes en place sont là pour démontrer et appuyer la manutention, le transport et le stockage sûrs des déchets radioactifs. Toutefois, cela ne semble pas toucher suffisamment certains membres du public. Nous devrions peut-être recadrer le débat en discussion fondée sur des valeurs et dirigée par des jeunes tels que vous ici et d’autres ailleurs afin de nous aider à réexaminer la question. Les déchets sont là, ils existent. Et même si certains peuvent prétendre le contraire ou souhaiter que cela ne soit pas le cas, n’avons-nous pas la responsabilité de faire tout notre possible pour résoudre ce problème dans les plus brefs délais? S’agit-il d’un autre problème que nous allons faire peser sur les épaules des générations futures?

Je sais bien que, pour moi, c’est facile à dire, car je dois déterminer avec mes collègues de la Commission si un projet ira de l’avant ou non en fonction des éléments de preuve scientifiques et techniques. La formulation des échanges fondés sur ces éléments de preuve, mais élargis à des considérations liées aux valeurs représente un défi de taille. Je pense que ces échanges sont indispensables et que les jeunes sont les mieux placés pour les amorcer. Je vous encourage à participer, à prendre la situation en main et à nous mener vers l’avenir avec assurance.

Conclusion

Alors, qu’est-ce que je souhaite vous voir retenir de ces commentaires? Tout d’abord, dans bon nombre de nos pays, la gestion des déchets et le déclassement constitueront la question essentielle en rapport avec le secteur nucléaire dans les décennies à venir. Nous devons veiller à prendre les mesures appropriées, en fonction des données scientifiques et des éléments de preuve, en mettant constamment la sûreté à l’avant-plan. Ensuite, la collaboration internationale est le moyen le plus important pour nous aider à y parvenir. Nous devons apprendre les uns des autres et nous soutenir mutuellement le mieux possible et aussi souvent que nous le pouvons. Enfin, les jeunes joueront un rôle clé dans l’élaboration et la mise en œuvre des solutions et la réorientation du débat. Les jeunes sont les citoyens de l’ère de l’information; l’ouverture et la transparence sont donc pour eux une seconde nature. De plus, vous avez grandi au milieu de problèmes successifs nécessitant des solutions audacieuses et novatrices. La gestion des déchets et le déclassement sont des enjeux qui exigent le meilleur de nous tous. Je suis convaincue que nous pouvons y arriver ensemble.

Merci.

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