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REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome III : Dossier de sûreté pour le stockage définitif des déchets radioactifs, version 2

Préface

Ce document d’application de la réglementation fait partie de la série de documents d’application de la réglementation de la CCSN intitulée Gestion des déchets, qui porte également sur le déclassement. La liste complète des séries figure à la fin de ce document et elle peut être consultée sur le site Web de la CCSN.

Le document d’application de la réglementation REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome III : Dossier de sûreté pour le stockage définitif des déchets radioactifs, version 2, énonce, à l’intention des demandeurs et des titulaires de permis de la CCSN, les exigences et l’orientation concernant l’élaboration d’un dossier de sûreté et d’une évaluation complémentaire de la sûreté pour une installation, un emplacement ou un site de stockage définitif des déchets.

Le présent document constitue une deuxième version et remplace le REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome III : Évaluation de la sûreté à long terme de la gestion des déchets radioactifs, version 1, publié en mai 2018.

Pour en savoir plus sur la mise en œuvre des documents d’application de la réglementation et sur l’approche graduelle, veuillez consulter le REGDOC-3.5.3, Principes fondamentaux de réglementation.

Le terme « doit » est employé pour exprimer une exigence à laquelle le titulaire ou le demandeur de permis doit se conformer; le terme « devrait » dénote une orientation ou une mesure conseillée; le terme « pourrait » exprime une option ou une mesure conseillée ou acceptable dans les limites de ce document d’application de la réglementation; et le terme « peut » exprime une possibilité ou une capacité.

Aucune information contenue dans le présent document ne doit être interprétée comme libérant le titulaire de permis de toute autre exigence pertinente. Le titulaire de permis a la responsabilité de prendre connaissance de tous les règlements et de toutes les conditions de permis applicables et d’y adhérer.

1. Introduction

1.1 Objet

Le but du présent document est de fournir aux demandeurs et aux titulaires de permis les exigences et l’orientation concernant l’élaboration d’un dossier de sûreté s’appliquant au stockage définitif des déchets radioactifs de toutes catégories et les activités d’évaluation de la sûreté sur lesquelles s’appuie ce dossier de sûreté.

1.2 Portée

Le présent document d’application de la réglementation porte sur l’élaboration d’un dossier de sûreté et son évaluation de la sûreté pour la phase post-fermeture des installations de stockage définitif, qui comprennent les emplacements ou les sites, pour toutes les catégories de déchets radioactifs. Ce document s’applique également aux installations, emplacements ou sites de gestion à long terme des déchets radioactifs pour lesquels il n’est pas prévu de retirer les déchets. Remarque : Dans le présent document d’application de la réglementation, le terme « installations de stockage définitif » comprend également les emplacements et sites qui ne sont pas désignés comme des « installations nucléaires » en vertu de la LSRN.

Le dossier de sûreté pour la phase post-fermeture tient compte des renseignements provenant de la phase préfermeture (préparation de l’emplacement, construction, exploitation et déclassement) dans la mesure où ces renseignements ont une incidence sur la sûreté post-fermeture.

Dans le cas des installations de stockage définitif qui étaient exploitées ou qui ont été déclassées ou fermées avant 2021, le présent document doit être traité comme de l’orientation.

D’autres documents d’application de la réglementation de la CCSN s’ajoutent au présent document, notamment le REGDOC-2.9.1, Protection de l’environnement : Principes, évaluations environnementales et mesures de protection de l’environnement [1].

Les exigences et l’orientation que présente ce document d’application de la réglementation devraient aussi être adoptées pour le stockage définitif des déchets radioactifs des mines et usines de concentration d’uranium, s’il y a lieu. Le titulaire du permis doit fournir une justification à la CCSN les exigences qui ne s’appliquent pas. Le REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome II : Gestion des stériles des mines d’uranium et des résidus des usines de concentration d’uranium [2] contient des exigences et de l’orientation supplémentaires relatives à la gestion des déchets des mines et usines de concentration d’uranium.

1.3 Législation pertinente

Les dispositions de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires (LSRN) et des règlements connexes qui s’appliquent au présent document sont les suivantes :

2. Cadre de réglementation de la gestion des déchets de la CCSN

Outre le présent document d’application de la réglementation, le cadre de réglementation de la CCSN en matière de gestion des déchets comprend les documents suivants :

  • REGDOC-2.11, Cadre de gestion des déchets radioactifs et du déclassement au Canada
  • REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome I : Gestion des déchets radioactifs
  • REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome II : Gestion des stériles des mines d’uranium et des résidus des usines de concentration d’uranium
  • REGDOC-2.11.2, Déclassement

Les normes CSA suivantes constituent un complément au cadre de réglementation de la CCSN :

  • CSA N286, Exigences relatives au système de gestion des installations nucléaires
  • CSA N288.4, Programmes de surveillance de l’environnement aux installations nucléaires de catégorie I et aux mines et usines de concentration d’uranium
  • CSA N288.5, Programmes de surveillance des effluents aux installations nucléaires de catégorie I et aux mines et usines de concentration d’uranium
  • CSA N288.6, Évaluation des risques environnementaux aux installations nucléaires de catégorie I et aux mines et usines de concentration d’uranium
  • CSA N288.7, Programmes de protection des eaux souterraines aux installations nucléaires de catégorie I et aux mines et usines de concentration d’uranium
  • CSA N292.0, Principes généraux pour la gestion des déchets radioactifs et du combustible irradié
  • CSA N292.1, Entreposage en piscine du combustible irradié et d’autres matières radioactives
  • CSA N292.2, Entreposage à sec provisoire du combustible irradié
  • CSA N292.3, Gestion des déchets radioactifs de faible et de moyenne activité
  • CSA N292.5, Ligne directrice sur l’exemption ou la libération du contrôle réglementaire des matières contenant ou susceptibles de contenir des substances nucléaires
  • CSA N292.6, Gestion à long terme des déchets radioactifs et du combustible irradié
  • CSA N294, Déclassement des installations contenant des substances nucléaires

3. Approche graduelle

Le présent document d’application de la réglementation peut être appliqué de façon graduelle et proportionnelle en fonction du risque. Avec cette approche, toutes les exigences s’appliquent, mais à des degrés divers selon l’importance sur le plan de la sûreté et la complexité des travaux exécutés. Le niveau d’analyse, l’exhaustivité de la documentation et l’étendue des mesures nécessaires pour se conformer aux exigences réglementaires sont proportionnels à la nature et au degré des dangers, à la complexité de l’installation ou des activités, ainsi qu’aux caractéristiques des déchets.

Pour en savoir plus sur l’approche graduelle, veuillez consulter le REGDOC-3.5.3, Principes fondamentaux de réglementation [3].

4. Définition du dossier de sûreté et de l’évaluation de la sûreté

Un dossier de sûreté se définit comme un ensemble intégré d’arguments et d’éléments probants servant à démontrer qu’une installation est sûre et qu’elle satisfait à toutes les exigences réglementaires applicables. Un dossier de sûreté comprend normalement une évaluation de la sûreté, mais il peut aussi comprendre des renseignements (comme des preuves et un raisonnement) concernant la solidité et la fiabilité de l’évaluation de la sûreté et des hypothèses qui y sont formulées.

Dans le cas d’une installation de stockage définitif, le dossier de sûreté peut étayer la décision de passer à un stade de développement particulier. Dans ces cas, le dossier de sûreté devrait reconnaître l’existence de toute incertitude restante et fournir de l’orientation concernant les travaux visant à gérer ces incertitudes lors des stades de développement ultérieurs.

Une évaluation de la sûreté se définit comme une évaluation de tous les aspects pertinents à la sûreté d’une installation nucléaire. Il s’agit d’un processus systématique qui comprend des analyses quantitatives et l’interprétation des résultats de ces analyses. L’évaluation de la sûreté suit une approche itérative qui se poursuit tout au long du processus de conception et du cycle de vie de l’installation ou de l’activité, afin de s’assurer que toutes les exigences de sûreté pertinentes sont respectées. L’évaluation de la sûreté et l’analyse de la sûreté sont des termes souvent utilisés de manière interchangeable.

La figure 1 présente un aperçu des éléments d’un dossier de sûreté et d’une évaluation de la sûreté.

Figure 1. Éléments d’un dossier de sûreté et d’une évaluation de la sûreté
Version textuelle ci-dessous.
Figure 1: Version texte

Ce diagramme présente un aperçu de l’ensemble des composantes du dossier de sûreté, de l’évaluation de la sûreté et de l’analyse de la sûreté, comme décrites dans les sections 5, 6 et 7. Dans le diagramme, on voit une flèche verticale à deux têtes, ainsi que trois encadrés intitulés respectivement « Dossier de sûreté », « Évaluation de la sûreté » et « Analyse de la sûreté à long terme ».

Du côté gauche du diagramme, la flèche à deux têtes s’étend verticalement d’un bout à l’autre et porte la mention « Système de gestion ». La flèche se trouve aux côtés des trois encadrés pour signifier le rôle primordial du système de gestion lorsqu’il est question de créer un dossier de sûreté et d’appuyer l’évaluation de la sûreté pour la gestion à long terme des déchets radioactifs.

Les trois encadrés sont situés à droite de la flèche verticale. Le premier encadré situé en haut du diagramme porte le titre « Dossier de sûreté » et contient une colonne de 10 sous-encadrés qui montre, de haut en bas, les composantes suivantes :

  • Contexte du dossier de sûreté
  • Stratégie de sûreté
  • Description du système de stockage définitif
  • Évaluation de la sûreté
  • Gestion des incertitudes
  • Itération et optimisation de la conception
  • Limites, contrôles et conditions
  • Contrôle et surveillance
  • Contrôles institutionnels
  • Intégration des arguments de sûreté

L’encadré du centre porte le titre « Évaluation de la sûreté ». Il se trouve en dessous et à droite de l’encadré « Dossier de sûreté » et une flèche en forme de L inversé mène de l’encadré précédent « Dossier de sûreté » jusqu’à l’encadré « Évaluation de la sûreté ». L’encadré « Évaluation de la sûreté » contient une colonne de trois sous-encadrés qui montre, de haut en bas, les composantes suivantes:

  • Aspects relatifs au site et à l’ingénierie
  • Analyse de la sûreté en phase d’exploitation
  • évaluation de la sûreté post-fermeture

Le troisième et dernier encadré, situé en bas du diagramme, porte le titre « Évaluation de la sûreté post-fermeture ». Il se trouve en dessous et à gauche de l’encadré « Évaluation de la sûreté » et une flèche en forme de L inversé mène de l’encadré précédent « Évaluation de la sûreté » jusqu’à l’encadré « Évaluation de la sûreté post-fermeture  ». L’encadré « Analyse de la sûreté à long terme » contient une colonne de cing sous-encadrés qui montre, de haut en bas, les composantes suivantes :

  • Contexte de l’évaluation de la sûreté post-fermeture
  • Description du système de stockage définitif
  • Scénarios d’évaluation de la sûreté post-fermeture et périodes de référence
  • Élaboration et utilisation des modèles d’évaluation
  • Interprétation des résultats

5. Rôle et élaboration du dossier de sûreté

5.1 Rôle du dossier de sûreté

Le dossier de sûreté couvre tous les dangers et constitue le principal outil utilisé pour documenter et démontrer qu’une installation protégera de manière adéquate les personnes et l’environnement pendant tout son cycle de vie (préparation de l’emplacement, construction, exploitation et déclassement) et pendant la période post-fermeture. Dans une évaluation de la sûreté post‑fermeture, l’accent est mis sur la performance de l’installation de stockage définitif des déchets et sur l’évaluation de son effet après la fermeture. Le dossier de sûreté est un cadre structuré permettant de documenter et de présenter de manière consolidée tous les renseignements concernant la sûreté d’une installation de stockage définitif.

Le dossier de sûreté soutient le processus réglementaire, y compris la prise de décisions, et constitue un moyen de communication et de consultation avec les parties intéressées à différents moments du cycle de vie de l’installation.

Le dossier de sûreté peut servir à diverses fins :

  • vérifier un concept
  • soutenir la sélection d’un emplacement
  • optimiser la conception
  • établir des limites, des contrôles et des conditions
  • concevoir le programme de surveillance
  • orienter l’exploitation, le déclassement et la fermeture
  • prioriser les programmes de recherche et de développement

5.2 Élaboration du dossier de sûreté

Dans le cas d’une installation de stockage définitif, il est nécessaire d’établir un dossier de sûreté post‑fermeture tout au long de son cycle de vie – au début de chaque phase d’autorisation importante, depuis la préparation de l’emplacement jusqu’au déclassement (qui comprend la fermeture et le déclassement des installations auxiliaires) – puis dans la période post‑fermeture, jusqu’à la libération du contrôle réglementaire. Le dossier de sûreté post‑fermeture évolue tout au long du cycle de vie de l’installation de stockage définitif selon une approche itérative.

Dans la phase préalable à l’autorisation, il peut être nécessaire de formuler des hypothèses concernant l’élaboration du concept et le choix de l’emplacement. Ces activités n’ont pas à être autorisées par la CCSN; cependant, comme elles prennent beaucoup de temps, habituellement plusieurs dizaines d’années, il est recommandé de prendre contact avec la CCSN tôt durant la période préalable à l’autorisation. À mesure que progressent les phases d’élaboration du concept et de sélection de l’emplacement, des données empiriques propres au site sont nécessaires, et, le cas échéant, il faut élaborer plus en détail la conception, la construction, l’exploitation, le déclassement, la fermeture et la post-fermeture. Les problèmes pourront ainsi être traités plus en détail dans le dossier de sûreté.

Le dossier de sûreté est mis à jour progressivement tout au long du cycle de vie de l’installation de stockage définitif par la collecte, l’analyse et l’interprétation systématique des données scientifiques et techniques nécessaires. La portée et le niveau des détails techniques dépendront du stade du développement de l’installation de stockage définitif. Les données utilisées dans le dossier de sûreté peuvent provenir de diverses sources, y compris l’échantillonnage sur le site, les études régionales sur le terrain, la littérature scientifique et les exemples analogues. Les mises à jour du dossier prennent en considération les commentaires formulés durant les examens techniques et réglementaires, l’avancement des connaissances et l’expérience d’exploitation, ainsi que les résultats des programmes de surveillance et des activités de recherche. L’approche du cycle de vie pour élaborer un dossier de sûreté permet de mobiliser de façon continue le public et les groupes autochtones et d’intégrer les commentaires des parties intéressées.

À la fermeture de l’installation de stockage définitif, le dossier de sûreté contiendra des renseignements dont les générations futures pourraient avoir besoin (p. ex., des plans de contrôle institutionnel, un plan de surveillance à long terme, etc.).

6. Exigences générales relatives au dossier de sûreté

Pour appuyer une demande de permis pour des activités concernant une installation de stockage définitif, le demandeur ou le titulaire de permis doit soumettre un dossier de sûreté à la CCSN aux fins d’approbation. Le dossier de sûreté doit répondre aux critères suivants :

  • démontrer que toutes les exigences de sûreté seront respectées
  • être détaillé et complet afin de fournir l’assise technique nécessaire à la prise de décisions
  • comporter une documentation clairement rédigée, y compris des arguments justifiant les approches utilisées dans le dossier de sûreté, sur la base de renseignements crédibles qui peuvent être retracés
  • évaluer la sûreté de l’installation selon une approche graduelle
  • décrire tous les aspects pertinents de la sûreté de l’emplacement et, le cas échéant, de la conception, de la construction, de l’exploitation, du déclassement, de la fermeture et de la post-fermeture (y compris le contrôle institutionnel) de l’installation ou du site
  • être périodiquement réexaminé et mis à jour à toutes les phases de l’autorisation et chaque fois que des changements importants sont apportés à l’installation de stockage définitif
  • comprendre la mise en œuvre des principes du système de gestion; le REGDOC‑2.1.1, Système de gestion [4] fournit d’autres renseignements et de l’orientation à ce sujet

7. Éléments du dossier de sûreté

Le dossier de sûreté doit comprendre les éléments suivants, tel qu’illustré à la figure 1 :

  • contexte du dossier de sûreté
  • stratégie de sûreté
  • description du système de stockage définitif
  • évaluation de la sûreté
  • gestion des incertitudes
  • itération et optimisation de la conception
  • limites, contrôles et conditions
  • contrôle et surveillance
  • caractéristiques de sûreté durant la période de contrôle institutionnel
  • intégration des arguments de sûreté

Remarque : Il existe de nombreuses façons de structurer et de documenter le dossier de sûreté.

7.1 Contexte du dossier de sûreté

Dans le dossier de sûreté, le demandeur ou le titulaire de permis doit :

  • définir la portée et l’objet du dossier de sûreté
  • énoncer les exigences à respecter pour démontrer la sûreté

Les limites et les interfaces avec les installations et activités à proximité immédiate, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du site, devraient être prises en compte dans le dossier de sûreté.

La portée devrait décrire clairement la phase visée du cycle de vie de l’installation, les modifications apportées au dossier de sûreté par rapport aux versions antérieures et la façon dont les prochaines révisions seront intégrées.

Les exigences de sûreté sont celles qui permettent de s’assurer que les activités autorisées proposées n’entraînent pas de risque déraisonnable pour l’environnement ni pour la santé et la sécurité des personnes. Les exigences comprennent habituellement des critères d’acceptation (voir la section 8.1.1.1) pour certains indicateurs de sûreté (notamment la dose, le risque, la concentration de radionucléides), en plus des principes de confinement, d’isolement, de défense en profondeur et de robustesse. Les exigences de sûreté devraient être élaborées en consultation avec la CCSN et les autres parties intéressées.

7.2 Stratégie de sûreté

Le demandeur ou le titulaire de permis doit concevoir et adopter une stratégie de sûreté qui décrit l’approche intégrée qui sera appliquée pour respecter les exigences de sûreté. La stratégie devrait être établie au début de l’élaboration du dossier de sûreté.

La stratégie doit définir et décrire un certain nombre d’éléments clés permettant d’assurer la confiance à l’égard de la sûreté, notamment :

  • le confinement et l’isolement des déchets
  • les fonctions de sûreté multiples, la défense en profondeur, et les dispositifs de sûreté passifs
  • la robustesse
  • la démontrabilité et la faisabilité
  • les interdépendances des diverses étapes de la gestion des déchets
  • d’autres éléments qui contribuent à la sûreté et donnent confiance en celle‑ci

La stratégie de sûreté devrait indiquer les périodes de référence associées aux principaux éléments de la stratégie.

Confinement et isolement

Le confinement et l’isolement doivent être démontrés en présentant des preuves que l’ensemble du système de barrières conservera ses fonctions de sûreté pendant la période de référence associée au dossier de sûreté. Pour chaque barrière, les fonctions de sûreté, la performance attendue et la durée de vie nominale doivent être fournies. La dégradation de ces fonctions de sûreté durant l’évolution normale ou d’événements perturbateurs, doit être prise en compte. Il faut également démontrer que, malgré cette dégradation, le confinement et l’isolement ainsi que toutes les autres exigences de sûreté, y compris les critères d’acceptation (comme la dose, le risque ou la concentration de contaminants), seront respectés.

Fonctions de sûreté multiples et défense en profondeur

Le principe de défense en profondeur doit être appliqué de manière à ce que la performance de l’installation de stockage définitif, décrit à la section 7.3, ne repose pas indûment sur une seule barrière. Le principe de défense en profondeur est généralement appliqué aux installations de stockage définitif en mettant en place un système de barrières multiples ayant plusieurs fonctions de sûreté qui contribuent au confinement et à l’isolement des déchets.

Les fonctions de sûreté de chaque barrière, ainsi que sa durée opérationnelle prévue, devraient être indiquées et justifiées. Les fonctions de sûreté devraient, dans la mesure du possible, être indépendantes les unes des autres, afin de s’assurer qu’elles sont complémentaires et qu’il soit improbable qu’une seule défaillance n’entraîne la défaillance de la barrière. Le nombre et l’étendue des barrières nécessaires devraient être proportionnels aux dangers que présentent les déchets à stocker de manière définitive.

Les fonctions de sûreté doivent être assurées par des moyens passifs, dans la mesure du possible. Les contrôles actifs, comme la surveillance, peuvent contribuer à la confiance à l’égard des barrières passives et des fonctions de sûreté, mais la défense en profondeur ne doit pas dépendre uniquement de ces systèmes. Le système de barrières multiples devrait offrir une résistance à la migration des radionucléides, principalement par des moyens passifs.

Robustesse

La robustesse de l’ensemble du système de stockage définitif des déchets et de chacune de ses barrières doit être démontrée. L’ensemble du système de stockage définitif est robuste s’il peut être démontré qu’aucune des exigences de sûreté ne serait compromise si une ou plusieurs barrières ou fonctions de sûreté venaient à défaillir. La robustesse des barrières est démontrée en prouvant que les perturbations anthropiques ou les processus naturels prévus ne les empêcheront pas de remplir leurs fonctions de sûreté.

L’effet de longues périodes de référence sur la robustesse devrait être pris en compte. Dans le cas des installations de stockage définitif avec de longues périodes de référence, la probabilité est plus élevée que les processus naturels ou les perturbations puissent affecter la performance des barrières individuelles ou de l’ensemble de l’installation de stockage définitif.

Période de référence

Le demandeur ou le titulaire de permis doit définir la période de référence, qui est la période couverte par l’évaluation de la sûreté. Les périodes de référence établissent les conditions limites de la longévité et de la performance des barrières servant à isoler et à confiner les déchets.

Le demandeur ou le titulaire de permis doit justifier la période de référence associée à la performance requise de l’ensemble de l’installation de stockage définitif et de ses composants individuels, dans le cadre de la stratégie de sûreté. Cette justification doit être proportionnelle à la classe de déchets à entreposer ou à stocker, et également à la période de référence associée aux dangers que présentent les déchets.

La période de référence doit refléter au minimum les facteurs suivants :

  • le moment où l’effet radiologique devrait culminer selon l’évaluation de la sûreté
  • l’évolution normale (prévue) du système de stockage définitif, compte tenu de la désintégration des substances radioactives associées aux déchets et de la stabilité du milieu géologique ou du site
  • le type et la gravité des événements envisagés par l’évaluation de la sûreté

Pour justifier la période de référence, le demandeur ou le titulaire de permis devrait aussi envisager de fournir les éléments de preuve supplémentaires suivants :

  • l’utilisation d’analogues naturels appropriés (p. ex., caractéristiques géologiques, hydrogéologiques et géochimiques semblables à celles du site)
  • les niveaux naturels des contaminants radiologiques et non radiologiques sur le site

Il pourrait être nécessaire de définir plusieurs périodes de référence dans un même dossier de sûreté afin de démontrer le respect des exigences de confinement pour différents scénarios. Par exemple, en plus de la période de référence du scénario d’évolution normale, il serait possible d’utiliser d’autres périodes de référence pour illustrer la robustesse du système de stockage définitif après que les effets prévus auront atteint leur maximum. Le demandeur ou le titulaire de permis devrait définir des périodes de référence additionnelles afin d’illustrer la performance de barrières particulières en réponse à des événements perturbateurs (p. ex., séismes, glaciations, changements climatiques) susceptibles de se produire dans le futur. La conception de l’installation de stockage définitif devrait être basée sur les événements perturbateurs pertinents pour la période de référence du scénario d’évolution normale. Dans d’autres cas (p. ex., stockage définitif des déchets de moyenne ou haute activité dans des formations géologiques profondes), les prévisions des effets sur très longues périodes, pouvant atteindre des dizaines de millions d’années pourraient illustrer les capacités de confinement des barrières, malgré d’importantes perturbations environnementales ou géologiques. L’évolution de l’installation de stockage définitif doit être prise en compte dans l’établissement de la période de référence, et le scénario d’évolution normale utilisé dans l’évaluation de la sûreté devrait être défini en conséquence.

7.3 Description du système de stockage définitif

Le demandeur ou le titulaire de permis doit décrire le système de stockage définitif dans le dossier de sûreté. Ce système se définit comme l’ensemble des propriétés du site d’une installation de stockage définitif des déchets, la conception du système de stockage définitif, les structures et éléments physiques, les procédures de contrôle, ainsi que les caractéristiques des déchets et les autres éléments qui contribuent, de diverses façons et pendant diverses périodes de référence, au bon fonctionnement des fonctions de sûreté pour le stockage définitif. La description devrait également comporter des renseignements quantitatifs et qualitatifs. Selon le cas, elle doit aussi comprendre les éléments suivants :

  • la compréhension précise des caractéristiques, événements et processus (CEP) associés au site et à l’installation de stockage définitif
  • l’information relative aux déchets (p. ex., les quantités et les propriétés des déchets et l’inventaire des radionucléides)
  • les critères d’acceptation des déchets à l’installation de stockage définitif
  • la description de la biosphère, y compris le biote humain et non humain et l’environnement en surface
  • les caractéristiques du site, y compris, le cas échéant, les unités géologiques en profondeur et près de la surface sur le site, notamment :
    • la description des conditions en surface et dans le sous-sol (p. ex., géologie, hydrogéologie, hydrologie, géochimie, tectonique, sismicité, géomorphologie, climat, écologie)
    • l’utilisation actuelle et prévisible des terres
    • la détermination et la description de l’évolution naturelle et des événements perturbateurs prévus
  • la conception et les hypothèses sous-jacentes à la conception
  • la description des structures, systèmes et composants (SSC) du système de stockage définitif, y compris les barrières artificielles et naturelles, leurs fonctions de sûreté, leurs interfaces, les incertitudes connexes et la performance au fil du tempsNote de bas de page 1
  • les processus radiologiques, thermiques, hydrauliques, mécaniques, chimiques et biologiques qui pourraient avoir une incidence sur le système de stockage définitif et ses composants, ainsi que l’interaction possible entre ces composants

Le demandeur ou le titulaire de permis doit démontrer que la sûreté-criticité nucléaire a été prise en compte, le cas échéant. L’analyse de la sûreté-criticité nucléaire à la phase post-fermeture doit reposer sur les critères d’acceptation et les pratiques techniques fournies dans le document REGDOC-2.4.3, Sûreté-criticité nucléaire [5].

Avec une approche graduelle en matière de sûreté, la rigueur et l’exhaustivité de la description du système et de ses composants devraient être proportionnelles aux dangers des déchets, ainsi qu’à la phase du cycle de vie et à l’étape du processus d’autorisation de l’installation. Par exemple, des données génériques pourraient suffire lors de la phase de développement du concept, mais davantage de données sur le site devraient être disponibles pour les phases suivantes, comme le choix de l’emplacement, de la construction et de l’exploitation. Le dossier de sûreté devrait être mis à jour pour refléter l’avancée des connaissances sur le comportement du système de stockage définitif résultant d’un programme de recherche et de développement systématique.

Le demandeur ou le titulaire de permis doit déterminer les fonctions de sûreté de l’ensemble du système de stockage définitif que des SSC individuels, et doit évaluer la performance sur le plan de la sûreté en se basant sur leur capacité à remplir les fonctions de sûreté. Le dossier de sûreté et l’évaluation de la sûreté sur laquelle il est basé devraient expliquer et justifier les fonctions de sûreté de l’ensemble du système de stockage définitif et de chaque barrière individuelle.

Pour en savoir plus sur la caractérisation des dépôts géologiques en profondeur, veuillez consulter le REGDOC-1.2.1, Orientation sur la caractérisation des emplacements de dépôts géologiques en profondeur [6].

7.4 Évaluation de la sûreté

Le demandeur ou le titulaire de permis doit effectuer une évaluation de la sûreté qui tient compte des répercussions sur les personnes et l’environnement pouvant résulter de l’évolution normale du site et des événements perturbateurs potentiels relevés dans l’analyse des CEP. L’analyse des CEP peut s’appuyer sur la liste internationale des CEP de l’Agence pour l’énergie nucléaire.

7.4.1 Éléments de l’évaluation de la sûreté

Selon le cas, l’évaluation de la sûreté doit comprendre les éléments suivants :

  • les aspects relatifs au site et à l’ingénierie
  • les aspects de la sûreté en phase d’exploitation
  • l’évaluation de la sûreté post-fermeture
7.4.1.1 Aspects relatifs au site et à l’ingénierie

Le demandeur ou le titulaire de permis doit utiliser dans son évaluation de la sûreté des données provenant de la description du système de stockage définitif et fournir des conditions limites pour les modèles d’évaluation quantitative (point traité à la section 8.1.1.2).

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait utiliser les résultats de l’évaluation de la sûreté pour donner de la confiance dans le caractère adéquat du site et de la conception technique.

Dispositifs de sûreté passifs

Le demandeur ou le titulaire de permis doit tenir compte de dispositifs de sûreté passifs dans la conception de l’installation afin de réduire la dépendance de la sûreté sur des dispositifs de sûreté actifs.

Fonctions de sûreté multiples

Le demandeur ou le titulaire de permis doit évaluer la défense en profondeur par rapport au site et à l’ingénierie. Cela implique la démonstration que l’installation offre des fonctions de sûreté multiples.

Principes scientifiques et techniques

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait utiliser des techniques et matériaux de construction établis, ainsi que des leçons apprises par l’expérience. S’il veut utiliser d’autres techniques et matériaux, il devrait présenter une justification à cet effet.

Qualité de la caractérisation du site

Le demandeur ou le titulaire de permis doit s’assurer que l’évaluation de la sûreté décrit ou cite en référence l’approche et les critères utilisés pour choisir le site et qu’elle démontre que le site choisi est conforme à la stratégie de sûreté et à tous les critères établis.

Dans le cas des installations de stockage définitif, les activités de caractérisation du site s’étendront sur plusieurs années et devraient être réalisées selon un plan officiel de caractérisation du site qui comprend des protocoles d’assurance et de contrôle de la qualité afin de vérifier les données.

7.4.1.2 Aspects de la sûreté en phase d’exploitation

Bien que les aspects de la sûreté en phase d’exploitation ne relèvent pas du présent document, le titulaire de permis doit s’assurer que tous les effets des activités préfermeture sur la sûreté post-fermeture sont évalués et minimisés.

7.4.1.3 Évaluation de la sûreté post-fermeture

Le demandeur ou le titulaire de permis doit effectuer une évaluation de la sûreté post-fermeture. Cette évaluation constitue le cœur de l’évaluation de la sûreté d’une installation de stockage définitif. Elle comprend une analyse de l’évolution normale prévue du système de stockage définitif, des événements perturbateurs possibles et des potentielles répercussions radiologiques et non radiologiques sur les personnes et l’environnement, ainsi que l’interprétation des résultats. Des scénarios sont utilisés pour décrire les évolutions possibles du système de stockage définitif et de son environnement, ainsi que leurs effets.

Les effets sont déterminés quantitativement au moyen de modèles mathématiques. Cela comprend une analyse de la migration possible des substances radioactives et dangereuses depuis l’installation de stockage définitif, de leur mouvement dans l’environnement et des effets qui en résultent. Les exigences et l’orientation concernant la réalisation d’une évaluation de la sûreté post-fermeture figurent à la section 8 du présent document.

7.5 Gestion des incertitudes

Dans le dossier de sûreté, le demandeur ou le titulaire de permis doit caractériser les incertitudes par rapport à leur source, à leur nature et à leur ampleur en utilisant des méthodes quantitatives aussi bien que son jugement professionnel.

Le demandeur ou le titulaire de permis doit s’assurer que le dossier de sûreté démontre la façon dont les incertitudes sont gérées, par exemple :

  • en modifiant la stratégie de sûreté pour réduire les incertitudes
  • en démontrant que les incertitudes n’ont pas d’incidence sur la sûreté
  • en ayant recours à des hypothèses prudentes pour délimiter les incertitudes et démontrer qu’une marge suffisante demeure pour respecter les exigences de sûreté

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait réduire les incertitudes tout au long des différents stades de l’élaboration du dossier de sûreté. Le demandeur ou titulaire de permis devrait déterminer les incertitudes restantes dans le dossier de sûreté, et la façon dont ce dossier demeure valable malgré ces incertitudes.

Les incertitudes restantes qui ont une incidence sur la sûreté devraient faire l’objet d’analyses des incertitudes et de la sensibilité. De plus, l’élaboration de programmes de surveillance et de recherche et développement pourrait être utilisée pour réduire davantage ces incertitudes.

7.6 Itération et optimisation de la conception

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait s’assurer que la conception du système de stockage définitif et ses composants sont optimisés, en utilisant un processus itératif et bien défini. À mesure que le projet progresse et que les connaissances s’améliorent, les résultats initiaux devraient être affinés et remplacer les données génériques ou par défaut, réduisant ainsi le recours aux hypothèses.

Dans le dossier de sûreté, le demandeur ou le titulaire de permis devrait démontrer comment la conception choisie et ses composants ont été optimisés. Le processus de conception devrait comprendre une comparaison des différentes options envisagées, une évaluation de leurs avantages et de leurs inconvénients, ainsi qu’une justification de l’option choisie. L’optimisation peut être démontrée au moyen d’une comparaison entre les itérations antérieures de la conception et la conception finale.

7.7 Limites, contrôles et conditions

Le demandeur ou le titulaire de permis doit établir des limites, des contrôles et des conditions en utilisant le dossier de sûreté. Ceux‑ci doivent être appliqués à toutes les activités qui influent sur la sûreté post-fermeture de l’installation et sur les déchets qui seront stockés de manière définitive dans cette installation.

Les limites, contrôles et conditions établis d’après l’évaluation de la sûreté pour les déchets doivent comprendre les critères d’acceptation des déchets tant pour les colis individuels que pour l’ensemble de l’installation, et pour l’inventaire de déchets acceptables ou les concentrations admissibles de radionucléides dans les déchets.

Le demandeur ou le titulaire de permis doit utiliser les limites, contrôles et conditions établis afin d’élaborer les procédures et programmes opérationnels qui sont compatibles avec la sûreté post-fermeture. Par exemple, le dossier de sûreté et sur les limites, contrôles et conditions établis devraient être pris en compte dans l’élaboration d’un programme de surveillance du site et ses environs adaptés à l’installation.

7.8 Contrôle et surveillance

Le REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome I : Gestion des déchets radioactifs [7] présente les exigences relatives à la surveillance des installations de gestion des déchets.

7.9 Contrôles institutionnels

Le demandeur ou le titulaire de permis doit définir le rôle que jouent les contrôles institutionnels dans la sûreté de l’installation de stockage définitif et expliquer comment ce rôle est pris en compte dans le dossier de sûreté et l’évaluation de la sûreté sur laquelle il se base. L’existence de contrôles institutionnels ne devrait pas être invoquée pour justifier une conception moins robuste du système de confinement et d’isolement.

Bien que la sûreté à long terme de l’installation de stockage définitif des déchets radioactifs ne devrait pas dépendre principalement de contrôles institutionnels, ces derniers devraient être utilisés dans la mesure du possible pour confirmer que le système de stockage définitif fonctionne comme prévu.

Compte tenu des incertitudes associées aux activités humaines futures et à l’évolution et à la stabilité des sociétés, le demandeur ou le titulaire de permis devrait limiter son recours aux contrôles institutionnels comme mesure de sûreté à quelques centaines d’années, tout au plus. Dans le cas des déchets des mines et usines de concentration d’uranium, le volume important de déchets et la longévité de certains radionucléides peuvent nécessiter des périodes de contrôle institutionnel plus longues pour assurer leur sûreté. Le recours à un contrôle institutionnel de longue durée (plus de quelques centaines d’années) devrait être justifié dans le dossier de sûreté, au moyen d’un processus d’optimisation qui tient compte des facteurs techniques et socioéconomiques.

L’orientation relative aux contrôles institutionnels est présentée dans le REGDOC‑2.11.1, Gestion des déchets, tome I : Gestion des déchets radioactifs [7].

7.10 Intégration des arguments de sûreté

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait s’assurer que le dossier de sûreté présente une synthèse des preuves, des arguments et analyses disponibles. Cette synthèse devrait être bien structurée, transparente et pouvoir être retracée.

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait :

  • fournir des preuves que toutes les exigences de sûreté ont été respectées
  • fournir des indicateurs de sûreté complémentaires, comme les concentrations et les flux de radionucléides dans chacune des barrières
  • fournir des arguments de sûreté complémentaires provenant par exemple de l’étude paléohydrogéologique du site et de l’étude des analogues naturels du système de stockage définitif ou de ses composants individuels
  • traiter la façon dont les substances dangereuses contenues dans les déchets radioactifs pourraient affecter l’environnement

De plus, le demandeur ou le titulaire de permis devrait :

  • décrire comment les incertitudes sont traitées dans le dossier de sûreté et l’évaluation de la sûreté sous-jacente
  • fournir des preuves de la qualité et de la fiabilité des travaux scientifiques et de la conception sur lesquels repose le dossier de sûreté
  • fournir des preuves de la qualité et de la fiabilité de l’évaluation de la sûreté quant à l’élaboration des scénarios, la pertinence des méthodes, modèles, codes informatiques et bases de données, et la qualité des calculs
  • fournir toute conclusion ou tout résultat qui contredit les arguments présentés dans le dossier de sûreté
  • reconnaître les limites des preuves, arguments et analyses actuellement disponibles
  • consigner tout examen du dossier de sûreté par des pairs et montrer comment les résultats de cet examen ont été pris en compte
  • fournir les exigences du système de gestion pour la performance des calculs de l’évaluation de la sûreté afin d’en assurer la qualité

Après l’intégration des arguments de sûreté, le demandeur ou le titulaire de permis devrait justifier la poursuite du projet.

7.10.1 Comparaison avec les critères d’acceptation

Le demandeur ou le titulaire de permis doit comparer les paramètres ultimes sélectionnés pour l’évaluation avec les critères d’acceptation (p. ex., la dose et les concentrations de contaminants). Il convient de noter que le respect des critères d’acceptation ne suffit pas à rendre un dossier de sûreté acceptable, car d’autres exigences de sûreté (p. ex., l’isolement, ou le confinement) doivent également être respectées. De plus, il devrait être démontré que le système de stockage définitif proposé a été optimisé.

7.10.2 Indicateurs de sûreté complémentaires

En plus de comparer les paramètres ultimes de l’évaluation de la sûreté avec les critères d’acceptation, le demandeur ou le titulaire de permis devrait utiliser des indicateurs de sûreté complémentaires (c.‑à‑d. calculer des valeurs autres que les paramètres ultimes de l’évaluation) afin d’accroître la confiance à l’égard des conclusions du dossier de sûreté. Les évaluations qui utilisent des indicateurs de sûreté complémentaires comme arguments additionnels en faveur de la sûreté devraient présenter la justification de leur utilisation.

On peut également utiliser les indicateurs complémentaires issus de l’évaluation de la sûreté pour éclairer le programme de surveillance. Cependant, dans de nombreux cas, ces indicateurs ne peuvent pas être surveillés directement ou de manière pratique (p. ex., le taux de corrosion des conteneurs), mais ils doivent être déduits d’après un ensemble de sous-indicateurs qui sont facilement mesurés ou quantifiés. Par exemple, les taux de corrosion dépendent de la température et de la composition géochimique des eaux souterraines, alors ces paramètres peuvent faire partie d’un programme de surveillance.

7.10.3 Arguments complémentaires (approches multiples)

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait utiliser plusieurs approches pour accroître la confiance à l’égard du dossier de sûreté, par exemple, en utilisant des analogues naturels ou anthropiques ou encore des données paléohydrogéologiques.

Les analogues naturels peuvent être utilisés pour démontrer que les composants d’un système de stockage définitif restent efficaces sur les grandes échelles temporelles et spatiales prises en compte dans les modèles d’évaluation de la sûreté post-fermeture, et qu’on ne peut reproduire en laboratoire. Ces analogues peuvent fournir des données pour vérifier et valider tant les modèles de processus détaillés que les modèles d’évaluation simplifiés, ainsi que pour élaborer des modèles génériques pour décrire le site en l’absence de données de caractérisation spécifiques. Il est aussi possible d’utiliser des analogues anthropiques, le cas échéant, en plus des analogues naturels. Les données paléohydrogéologiques propres à un site permettent d’accroître la confiance à l’égard de la stabilité géologique et de la capacité de confinement du site. Les analogues naturels et les données paléohydrogéologiques peuvent fournir des données pour les évaluations complémentaires de la sûreté à long terme, et être inclus dans le dossier de sûreté afin d’accroître la confiance à l’égard des conclusions tirées de l’évaluation de la sûreté.

8. Évaluation de la sûreté post-fermeture

Le demandeur ou le titulaire de permis doit s’assurer que l’évaluation de la sûreté post-fermeture d’un système de stockage définitif comprend une analyse quantitative systématique de l’évolution du système de stockage définitif et de son environnement, des événements perturbateurs possibles et des effets radiologiques et non radiologiques potentiels qui pourraient en résulter pour les personnes et l’environnement. L’interprétation des résultats quantitatifs devrait être claire.

Le demandeur ou le titulaire de permis doit élaborer et utiliser des scénarios pour décrire l’évolution possible de l’installation et de son environnement, ainsi que l’effet possible des CEP sur la sûreté.

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait appliquer des modèles à chaque scénario afin d’évaluer ce qui suit :

  • l’évolution de la forme des déchets et de l’activité ou des concentrations des contaminants associés au fil du temps
  • le taux de rejet des contaminants
  • l’évolution des barrières artificielles
  • l’évolution des barrières naturelles
  • le transport des contaminants à travers les barrières artificielles, la géosphère et la biosphère
  • l’exposition des récepteurs
  • les effets potentiels de l’exposition

Le demandeur ou le titulaire de permis doit s’assurer que l’évaluation de la sûreté post-fermeture démontre qu’il comprend bien le système de stockage définitif, grâce à une méthode bien structurée, transparente et qui peut être retracée.

La documentation de l’évaluation de la sûreté post-fermeture devrait fournir un compte rendu clair et complet des décisions prises et des hypothèses formulées lors de l’élaboration du modèle du système de stockage définitif. Les paramètres et les variables appliqués au modèle pour obtenir un ensemble de résultats donnés devraient être consignés et justifiés. Ces données devraient être tirées des études spécifiques sur le site et des résultats de recherches.

Les hypothèses et les données de l’évaluation de la sûreté post-fermeture doivent être étayées par une évaluation des conditions actuelles et futures du système de stockage définitif.

En raison de l’incertitude des hypothèses concernant les événements futurs, la fiabilité des estimations quantitatives diminue à mesure que l’échelle temporelle s’accroît. La démonstration de la sûreté s’appuiera donc moins sur des estimations quantitatives et davantage sur des arguments qualitatifs à mesure que l’échelle temporelle augmente. Le demandeur ou le titulaire de permis ne devrait donc pas considérer les estimations quantitatives à long terme comme étant des effets garantis, mais plutôt comme des indicateurs de sûreté. Pour renforcer la confiance à son égard, l’évaluation de la sûreté post-fermeture devrait combiner approches (arguments complémentaires) et plusieurs indicateurs de sûreté dans le contexte du dossier de sûreté.

8.1 Éléments de l’évaluation de la sûreté post-fermeture

Pour réaliser l’évaluation de la sûreté post-fermeture d’un système de stockage définitif, le demandeur ou le titulaire de permis devrait utiliser une approche structurée comprenant les éléments suivants :

  • le contexte de l’évaluation de la sûreté post-fermeture
  • la description du système de stockage définitif
  • les scénarios et les périodes de référence de l’évaluation de la sûreté post-fermeture
  • l’élaboration et l’utilisation de modèles d’évaluation de la sûreté
  • l’interprétation des résultats

8.1.1 Contexte de l’évaluation de la sûreté post-fermeture

Le demandeur ou le titulaire de permis doit s’assurer que le contexte de l’évaluation de la sûreté permet :

  • de définir la portée et l’objet de l’évaluation
  • d’énoncer les critères utilisés dans l’évaluation
  • de décrire l’approche adoptée pour démontrer la sûreté
  • d’indiquer les paramètres ultimes de l’évaluation (c.‑à‑d. les résultats de la modélisation qui doivent être comparés aux critères d’acceptation; voir la section 8.1.1.1)
8.1.1.1 Critères d’acceptation utilisés dans l’évaluation

Le demandeur ou le titulaire de permis doit s’assurer que le contexte de l’évaluation de la sûreté contient des critères qui permettront de juger de l’acceptabilité des résultats de l’évaluation de la sûreté. Ces critères doivent être fondés sur des exigences réglementaires ou dérivés d’autres indicateurs de sûreté ou paramètres scientifiquement justifiables, qui démontrent la performance du système. Le titulaire de permis devrait établir des critères précis pour le niveau de sûreté à atteindre.

Radioprotection des personnes

L’évaluation de la sûreté post-fermeture d’une installation de stockage définitif doit fournir une assurance raisonnable que la limite réglementaire de dose radiologique pour l’exposition du public (actuellement de 1 mSv/an) ne sera pas dépassée dans le scénario d’évolution normale. Pour tenir compte de la possibilité d’exposition à des sources multiples et de leurs effets cumulatifs potentiels, et pour s’assurer que les doses dues au système de stockage définitif sont au niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre (principe ALARA), on devrait établir une contrainte de dose sous forme d’une fraction de la limite de dose réglementaire. La contrainte de dose n’est pas une limite, mais plutôt un outil de conception dans le processus d’optimisation. Par exemple, aux fins d’optimisation, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) [8] recommande une contrainte de dose de 0,3 mSv/an.

On ne devrait pas utiliser la contrainte de dose pour tenir compte des incertitudes dans les prévisions du modèle d’évaluation de la sûreté. Le simple fait d’atteindre la contrainte de dose ne démontre pas que la conception respecte le principe d’optimisation. La dose devrait être réduite en deçà de la contrainte, s’il est possible de le faire à un coût défendable, compte tenu des facteurs socioéconomiques. La forme de la dose cible nominale devrait être cohérente avec l’approche et la stratégie choisies pour l’évaluation de la sûreté post‑fermeture.

Le document SSR-5 de l’AIEA, Stockage définitif des déchets radioactifs [9], propose les critères suivants, conformément aux recommandations de la CIPR :

  1. La limite de dose pour les membres du public pour toutes les situations d’exposition planifiées est une dose efficace de 1 mSv par an. Cette limite et son équivalent en termes de risque sont considérés comme des critères à ne pas dépasser à l’avenir.
  2. Pour que cette limite de dose soit respectée, une installation de stockage définitif (considérée comme une source unique) est conçue de façon que la dose ou le risque calculé pour la personne représentative qui pourrait être exposée à l’avenir à la suite de processus naturels possibles affectant l’installation de stockage définitif ne soit pas supérieur à une contrainte de dose de 0,3 mSv par an ou à une contrainte de risque de l’ordre de 10–5 par an.
  3. En ce qui concerne les effets d’une intrusion humaine par inadvertance après la fermeture, si l’on prévoit que cette intrusion entraînerait une dose annuelle inférieure à 1 mSv pour les personnes vivant autour du site, alors les efforts de réduction de la probabilité d’une intrusion ou de limitation de ses conséquences ne sont pas justifiés.
  4. Si l’on prévoit qu’une intrusion humaine pourrait entraîner une dose annuelle supérieure à 20 mSv aux personnes vivant autour du site, alors d’autres options de stockage définitif des déchets doivent être envisagées, par exemple le stockage définitif sous la surface ou la séparation des radionucléides causant les doses les plus élevées.
  5. Si l’on prévoit des doses annuelles entre 1 et 20 mSv, alors des efforts raisonnables sont justifiés, à la phase d’élaboration de l’installation, pour réduire la probabilité d’intrusion ou en limiter les conséquences en optimisant la conception de l’installation.
  6. Des considérations similaires s’appliquent lorsque les seuils pertinents pour les effets déterministes dans les organes peuvent être dépassés.
Protection des personnes contre les substances dangereuses

Les valeurs de référence pour la protection contre les substances dangereuses se trouvent dans les recommandations et les objectifs fédéraux et provinciaux en matière d’environnement. Lorsqu’elles sont disponibles, les Recommandations canadiennes pour la qualité de l’environnement [10], établies par le Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME) pour la protection de la santé humaine, devraient être utilisées comme valeurs de référence ou valeurs toxicologiques de référence. S’il n’y a pas de recommandations du CCME, ce sont les recommandations fédérales ou provinciales sur la santé humaine qui devraient être appliquées. Si aucune valeur de référence n’est disponible, elles peuvent être établies à partir d’ouvrages sur la toxicité ou de documents publiés par d’autres organismes de réglementation, ou en suivant les protocoles du CCME pour l’établissement de critères.

Radioprotection de l’environnement

En ce qui concerne la protection du biote non humain contre la radioexposition, la principale préoccupation est la dose de rayonnement totale pouvant entraîner des effets déterministes sur les organismes exposés. Les valeurs de référence pour les doses de rayonnement, en vue d’une analyse quantitative des effets, devraient suivre l’orientation du Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants [11]. Pour les espèces ayant besoin d’une protection spéciale (p. ex., celles qui figurent sur la Liste des espèces en péril du gouvernement du Canada), on devrait envisager un critère de sélection du débit de dose plus prudent [8]. D’autres valeurs de référence pour des doses de rayonnement moyennes au biote non humain ont été calculées pour différents types d’organismes [12, 13, 14, 15, 16, 17].

Les critères de radioprotection de l’environnement devraient être élaborés selon les protocoles établis pour les substances dangereuses, dont il est question ci-dessous.

Protection de l’environnement contre les substances dangereuses

Les critères d’acceptation non radiologiques pour la protection de l’environnement peuvent comprendre la concentration ou le flux de substances dangereuses. Les Recommandations canadiennes pour la qualité de l’environnement [10] sur l’eau, les sédiments et le sol fournissent de bonnes valeurs de référence pour des analyses de la sûreté prudentes. Les recommandations provinciales peuvent être utilisées, le cas échéant, pour les substances pour lesquelles aucune recommandation fédérale n’a été établie.

Les valeurs de référence pour les substances dangereuses peuvent aussi être calculées à partir des données publiées dans des ouvrages sur la toxicité ou par d’autres organismes de réglementation (p. ex., l’Environmental Protection Agency des États-Unis). Le CCME fournit des protocoles de calcul pour les critères de qualité de l’air, du sol et de l’eau. Les protocoles d’élaboration des critères de protection de l’environnement comprennent l’établissement des valeurs de toxicité critique, p. ex., la concentration produisant des effets à 10 % ou 20 %, la dose minimale avec effet nocif observé ou encore la dose sans effet nocif observé, selon les études d’exposition chronique des espèces les plus sensibles. L’évaluation des risques que représentent les substances dangereuses pour le biote non humain est effectuée au niveau de la population, mais pour les espèces nécessitant une protection spéciale (p. ex., celles qui figurent dans la Loi sur les espèces en péril), l’évaluation devrait porter sur la protection au niveau individuel.

8.1.1.2 Approche adoptée pour démontrer la sûreté

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait utiliser des approches tenant compte du risque pour estimer le rejet et la dispersion des contaminants, ainsi que les concentrations qui en résultent dans l’eau, les sédiments, le sol et l’air en fonction des caractéristiques des déchets, des mécanismes et taux de rejet et du taux de transport des contaminants. Il peut s’agir d’une combinaison de modélisations étayée par des données de surveillance.

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait évaluer la sûreté post-fermeture en combinant plusieurs approches quantitatives, notamment les suivantes :

  • une évaluation de la portée pour illustrer les facteurs qui sont importants pour la sûreté post‑fermeture, ainsi qu’une évaluation limitative des effets potentiels
  • des calculs donnant une meilleure estimation réaliste de la performance de l’installation ou du système de stockage définitif ou des calculs prudents surestimant intentionnellement les effets potentiels
  • des calculs déterministes ou probabilistes appropriés, aux fins de l’évaluation de la sûreté, pour refléter l’incertitude des données

Le demandeur ou le titulaire de permis pourrait utiliser n’importe quelle combinaison de ces approches ou d’autres stratégies appropriées d’évaluation qui se complètent afin d’accroître la confiance dans la démonstration de la sûreté de l’installation.

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait discuter du choix de l’approche et le justifier dans la documentation qui démontre la sûreté post-fermeture. On s’attend à ce que l’objectif de l’évaluation de la sûreté justifie également le modèle d’évaluation utilisé (voir la section 8.1.5) et le niveau de confiance nécessaire dans les résultats.

Évaluation de la portée et évaluation limitative

Le demandeur ou le titulaire de permis peut effectuer une évaluation de la portée pour fournir une compréhension générale de l’ensemble de l’installation de stockage définitif et pour l’aider à déterminer les aspects du système qui sont essentiels à la sûreté.

Le demandeur ou le titulaire de permis peut effectuer une évaluation limitative afin d’estimer les limites de la performance de l’installation de stockage définitif. Une telle évaluation peut être réalisée à l’aide de modèles mathématiques simples ou de modèles détaillés qui utilisent les valeurs limites des paramètres.

Meilleures estimations réalistes versus surestimations prudentes

Le demandeur ou le titulaire de permis peut réaliser une évaluation basée sur la meilleure estimation réaliste pour déterminer le comportement le plus probable de l’installation de stockage définitif. Il devrait alors utiliser les données réelles du site et de l’installation finie, des scénarios adaptés au site et des modèles précis des processus simulés dans l’estimation réaliste.

Le demandeur ou le titulaire de permis peut aussi utiliser des évaluations prudentes pour surestimer intentionnellement les conséquences futures afin de se donner une marge de sûreté supplémentaire pour les situations où les résultats de l’évaluation ne peuvent pas être considérés comme des estimations précises, mais comme des indicateurs de sûreté. Une approche prudente devrait être utilisée pour élaborer les codes informatiques et les modèles. Les hypothèses et la simplification des processus ne devraient pas entraîner une sous-estimation des risques ou des effets potentiels. Il peut ne pas être nécessaire que toutes les hypothèses soient prudentes; cependant, le résultat d’ensemble des hypothèses devrait représenter les effets et les risques à long terme de manière prudente.

Des valeurs prudentes des conditions limites et initiales d’un modèle d’évaluation, ainsi que des données, peuvent être utilisées pour surestimer les conséquences futures. Étant donné que les modèles ne répondent pas nécessairement de manière linéaire, les valeurs prudentes ne représentent pas forcément les limites maximales ou minimales des données. C’est la valeur du résultat calculé qui détermine si la structure du modèle et les données utilisées ont produit une surestimation prudente.

Si les résultats de l’évaluation sont utilisés pour respecter une mesure numérique ou une norme de performance, il peut être approprié d’adopter une approche prudente basée sur des modèles relativement simples. Une telle approche est possible s’il y a une grande marge de sûreté. La prudence est de mise, car en cas d’utilisation abusive, les résultats découlant de représentations de l’installation ou de l’activité trop prudentes ou les plus défavorables peuvent conduire à de mauvaises prises de décisions sur la base de résultats d’évaluation qui sont peu représentatifs du système de stockage définitif réel.

Approche déterministe et probabiliste

Le demandeur ou le titulaire de permis pourrait utiliser un modèle déterministe pour illustrer l’effet de certaines incertitudes spécifiques ou d’hypothèses alternatives du modèle. Le modèle déterministe utilise des valeurs uniques des données pour calculer un résultat unique qui sera comparé à un critère d’acceptation. Compte tenu de la variabilité des données, les calculs déterministes individuels doivent être effectués à partir de différentes valeurs des paramètres.

C’est l’approche utilisée pour réaliser des analyses de sensibilité (examen de la variation des prévisions du modèle en fonction des changements des données) et les analyses de l’importance (calcul de la plage des valeurs prédites correspondant à la plage des valeurs d’entrée).

Le demandeur ou le titulaire de permis pourrait utiliser des modèles probabilistes, qui effectuent habituellement des calculs déterministes répétitifs à partir de valeurs d’entrée tirées des distributions de paramètres et dont les résultats sont présentés sous forme de distribution de fréquence des conséquences calculées. La fréquence multipliée par la conséquence est interprétée comme étant le risque global de dommages dus au stockage définitif. Les modèles probabilistes peuvent explicitement tenir compte de l’incertitude associée à la variabilité des données utilisées dans les prévisions de l’évaluation de la sûreté. De tels modèles pourraient aussi être structurés de façon à tenir compte des différents scénarios ou de leur incertitude.

Le risque potentiel calculé au moyen d’un modèle probabiliste ne peut pas être comparé directement à un critère d’acceptation, à moins que ce critère ne soit lui-même exprimé comme un risque. Les résultats d’un modèle probabiliste devraient être présentés et discutés. Lorsque le risque est calculé comme étant l’ampleur de la conséquence et la probabilité de sa survenance, le modèle reflétera la probabilité qu’un scénario avec ces données particulières se produise réellement.

8.1.1.3 Paramètres ultimes de l’évaluation

Le demandeur ou le titulaire de permis doit démontrer que les paramètres ultimes de l’évaluation sélectionnés sont conformes à l’objectif de l’évaluation et aux exigences réglementaires pertinentes, comme les exigences relatives à la dose radiologique.

D’autres indicateurs de sûreté, des indicateurs complémentaires, comme ceux qui reflètent l’efficacité des barrières de confinement ou les effets sur les espèces non humaines, peuvent également être présentés pour illustrer la performance à long terme d’un système de stockage définitif. Voici quelques exemples d’indicateurs de sûreté complémentaires :

  • le taux de corrosion des conteneurs
  • les taux de dégradation des déchets
  • l’âge des eaux souterraines et leur temps de déplacement
  • les flux de contaminants provenant d’une installation de stockage définitif
  • les effets du système sur la flore et la faune du site
  • les concentrations de contaminants dans un milieu donné (p. ex., concentration de radium dans les eaux souterraines)
  • les changements de la toxicité des déchets

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait établir et justifier les critères d’acceptation qui serviront à juger ces indicateurs de sûreté complémentaires, en fonction de la relation entre l’indicateur de sûreté complémentaire et les paramètres ultimes plus directs de l’évaluation. Par exemple, si la concentration d’une substance dangereuse dans l’environnement est directement liée à la vitesse des eaux souterraines à proximité d’une installation de stockage définitif, alors la vitesse des eaux souterraines pourrait servir de critère de sûreté post‑fermeture en complément à une évaluation de la sûreté plus complète qui utilise les effets sur l’environnement, tel que la concentration dans l’environnement, comme paramètres ultimes.

Identification des récepteurs humains et environnementaux

Le demandeur ou le titulaire de permis doit élaborer des scénarios définissant les récepteurs humains et environnementaux qui pourraient être exposés à des substances radioactives et dangereuses. L’exposition des personnes et des divers organismes récepteurs peut se produire par des voies différentes et sera jugée selon différents critères d’acceptation, même si tous les récepteurs sont présents dans le même milieu au même moment.

Les récepteurs humains et environnementaux devraient être identifiés selon l’orientation fournie dans les normes CSA N288.1, Guide de calcul des limites opérationnelles dérivées de matières radioactives dans les effluents gazeux et liquides durant l’exploitation normale des installations nucléaires [18] et CSA N288.6, Évaluation des risques environnementaux aux installations nucléaires de catégorie I et aux mines et usines de concentration d’uranium [19].

Le document IAEA-TECDOC-1077, Critical Groups and Biospheres in the Context of Radioactive Waste Disposal [20] fournit l’orientation pour évaluer l’exposition des groupes critiques durant la période de référence du scénario d’évolution normale. Dans le cas des longues périodes de référence, le promoteur pourrait choisir d’utiliser une biosphère de référence comme groupe critique. De l’orientation supplémentaire concernant l’utilisation des biosphères de référence se trouve dans le document BIOMASS-6 de l’AIEA, Reference Biospheres for Solid Radioactive Waste Disposal [21] publié en 2003.

8.1.2 Description du système de stockage définitif

Le titulaire de permis doit inclure la description du système de stockage définitif, une composante du dossier de sûreté, qui devrait être réitérée pour montrer que ses caractéristiques sont pertinentes pour l’évaluation de la sûreté. Cette description devrait présenter tant les caractéristiques du site que la conception des SSC importants pour la sûreté, ainsi qu’une description des déchets à gérer.

À mesure que l’autorisation avancera durant le cycle de vie de l’installation, des renseignements sur l’installation construite et des données d’exploitation sont recueillies. Ces deux sources de données permettront de mieux comprendre les caractéristiques du site. Les évaluations de la sûreté réalisées plus tard dans le cycle de vie de l’installation reposeront donc sur des données et des modèles actuels et précis. On utilisera de moins en moins les données par défaut, génériques ou hypothétiques, et les résultats des modèles seront donc plus fiables.

8.1.2.1 Caractérisation du site

Le demandeur ou le titulaire de permis doit inclure les données de caractérisation du site dans l’évaluation de la sûreté.

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait s’assurer que les caractéristiques du site sont suffisamment définies pour permettre une description précise des conditions actuelles du site et une projection crédible de leur évolution future.

Pour en savoir plus sur la caractérisation des dépôts géologiques en profondeur, veuillez consulter le REGDOC-1.2.1, Orientation sur la caractérisation des emplacements de dépôts géologiques en profondeur [6].

8.1.3 Scénarios d’évaluation de la sûreté post-fermeture et périodes de référence

Le titulaire de permis doit élaborer et utiliser des scénarios pour décrire l’évolution possible du système de stockage définitif et de son environnement, ainsi que l’effet potentiel des CEP répertoriés sur la sûreté.

Le demandeur ou le titulaire de permis doit s’assurer que les scénarios d’évaluation sont suffisamment complets pour tenir compte de tous les états actuels et futurs ou potentiels du site et de la biosphère.

L’évaluation de la sûreté doit comprendre un scénario de base de l’évolution normale, attendue ou prévue du site et du système de stockage définitif au fil du temps, ainsi que des scénarios supplémentaires qui examinent l’effet possible d’événements perturbateurs ayant une faible probabilité d’occurrence.

Chaque scénario présenté dans une évaluation de la sûreté doit comporter des renseignements précis sur les points suivants :

  • la période de référence sur laquelle l’évaluation est basée
  • la durée (du début à la fin) pendant laquelle les contrôles institutionnels seront utilisés comme mesure de sûreté
  • l’identification et les caractéristiques des récepteurs et groupes critiques présumés

Une évaluation de la sûreté devrait présenter et justifier les techniques et les critères d’élaboration des scénarios analysés. Ces scénarios devraient être élaborés de manière systématique, transparente et qui peut être retracée au moyen d’une analyse structurée des CEP pertinents basés sur les conditions actuelles et futures prévues des caractéristiques du site, les propriétés des déchets et les caractéristiques et modes de vie des récepteurs. L’approche d’élaboration des scénarios devrait correspondre à la rigueur de l’évaluation de la sûreté, compte tenu de l’objectif de l’évaluation, des dangers que représentent les déchets et de la nature de la décision pour laquelle l’évaluation est réalisée.

Afin de démontrer la robustesse d’un système de stockage définitif, l’évaluation devrait envisager sur des scénarios d’événements perturbateurs dans lesquels on fait l’hypothèse d’une défaillance totale ou partielle d’une ou plusieurs barrières ou fonctions de sûreté. Ces scénarios avec événements perturbateurs devraient montrer que, pris dans son ensemble, le système de stockage définitif demeurera sûr.

Des scénarios hypothétiques devraient être utilisés pour démontrer la robustesse et l’efficacité des différentes barrières naturelles et artificielles dans des conditions extrêmes. Il peut être instructif d’attribuer des valeurs de paramètre ou d’autres propriétés à différentes parties du système de barrières de façon à ce que la barrière examinée soit sollicitée de manière exagérée. On pourrait alors démontrer que de telles conditions exagérées sont irréalistes, qu’elles n’ont pas d’effet négatif sur la sûreté ou qu’elles peuvent être évitées dans la conception.

Les scénarios stylisés sont la représentation générique d’un groupe de scénarios dans lesquels une partie du système de stockage définitif des déchets est traitée de façon uniformisée ou simplifiée. Les scénarios stylisés pourraient être utiles si les données sur le site sont insuffisantes ou si l’évaluation de la sûreté ne nécessite pas de données détaillées sur le site.

L’évaluation de la sûreté devrait démontrer que l’ensemble des scénarios élaborés est crédible et complet. Certains CEP ou scénarios peuvent être exclus de l’évaluation s’ils sont extrêmement peu probables ou s’ils ont un effet négligeable.

Une autre méthode d’élaboration des scénarios est basée sur une analyse de la façon dont les fonctions de sûreté sont influencées par les éventuels CEP. Les scénarios élaborés pourraient ensuite être suivi d’un processus de vérification des scénarios par rapport à une liste de CEP appropriés.

L’approche et les critères de sélection utilisés pour exclure ou inclure des scénarios devraient être justifiés et bien documentés.

8.1.3.1 Scénario d’évolution normale

Le demandeur ou le titulaire de permis doit présenter un scénario d’évolution normale dans l’évaluation de la sûreté post-fermeture. Ce scénario devrait être basé sur l’extrapolation raisonnable des caractéristiques actuelles du site et des modes de vie des récepteurs. Il devrait inclure l’évolution prévue du site et la dégradation du système de stockage définitif (perte progressive ou totale de la fonction de protection assurée par les barrières), et à mesure qu’il vieillit. Les scénarios d’évolution n’ont pas à tenir compte de l’évolution biologique des espèces de récepteurs individuelles, qui peut donc être considérée comme étant statique dans le cadre de l’évaluation de la sûreté post-fermeture.

Dépendamment des conditions particulières du site et de la période de référence utilisée pour l’évaluation de la sûreté, un scénario d’évolution normale devrait inclure les conditions ou les événements prévus, tels que les séismes, les changements climatiques ou la glaciation. Des événements perturbateurs naturels périodiques auxquels on s’attend durant la période de référence, comme des inondations ou des feux de forêt devraient faire partie du scénario d’évolution normale. Leurs effets sur la performance de la barrière devraient être pris en compte. Ces différents événements pourraient être analysés séparément en tant que variantes du scénario d’évolution normale.

Le choix des événements naturels qui devraient être pris en compte repose sur l’évaluation des CEP et sur la probabilité qu’ils se produisent durant la période de référence de l’évaluation de la sûreté.

Le scénario d’évolution normale devrait aussi tenir compte des modes de défaillance des systèmes de confinement et d’isolement. Ces défaillances peuvent résulter non seulement de la dégradation naturelle des barrières, mais des événements qui pourraient se produire une ou plusieurs fois durant la période de référence de l’évaluation, y compris la pénétration des barrières par intrusion.

L’évaluation de la sûreté devrait comprendre un modèle de la biosphère, c’est-à-dire l’environnement récepteur des contaminants, reposant le plus possible sur les données du site fournies dans la description du système. Si les données du site ne permettent pas de faire des extrapolations raisonnables ou prudentes à partir des caractéristiques de la biosphère actuelle, une approche stylisée pour définir la biosphère pourrait satisfaire l’objet de l’évaluation de la sûreté.

8.1.3.2 Scénarios d’événements perturbateurs, y compris l’intrusion humaine

Le demandeur ou le titulaire de permis doit postuler les scénarios d’événements perturbateurs menant à la pénétration possible des barrières et à une perte de confinement anormale. Les événements comme les incendies, les inondations, les séismes, les éruptions volcaniques et les intrusions humaines ne peuvent pas être prédits avec exactitude, même lorsqu’ils sont associés à une probabilité annuelle ou à une période de récurrence.DLes événements perturbateurs plus graves que ceux prévus dans les scénarios d’évolution normale pour lesquels les barrières sont conçues et auxquels elles sont censées résister devraient être pris en compte. L’inclusion de scénarios d’événements perturbateurs démontrera le principe de défense en profondeur et la robustesse du système de stockage définitif dans son ensemble.

En plus de compromettre les barrières de confinement, les intrusions pourraient entraîner la redistribution des déchets au-delà des barrières, exposant potentiellement le public et l’environnement. Par conséquent, l’évaluation des scénarios d’intrusion humaine doit fournir une estimation de l’exposition des personnes et de l’environnement en cas de redistribution des déchets. Les scénarios d’intrusion involontaire, c’est‑à‑dire lorsque l’intrus ne connaît pas le danger associé aux déchets, devraient estimer l’exposition de l’intrus. Toutefois, l’intrusion humaine intentionnelle, où l’on présume que l’intrus est conscient des dangers des déchets, n’a pas besoin d’être prise en compte.

Les scénarios d’intrusion involontaire devraient être élaborés au cas par cas, selon la classe de déchets et la conception du système de stockage définitif, et devraient tenir compte tant de la probabilité que des conséquences d’une intrusion. Les installations de gestion des déchets en surface et près de la surface (p. ex., les parcs de résidus) sont plus susceptibles de faire l’objet d’intrusions que les dépôts géologiques en profondeur. Les critères d’acceptation pour l’intrusion humaine devraient être définis. Si les critères ne peuvent pas être respectés, même après l’optimisation de la conception et du choix de l’emplacement, la gestion des déchets à plus grande profondeur devrait être envisagée.

Dans les scénarios d’intrusion avec conséquences graves, des efforts raisonnables devraient être faits pour limiter la dose et réduire la probabilité d’intrusion. Les conséquences d’une intrusion pourraient être réduites grâce au contrôle de la forme et des propriétés des déchets admissibles. Des modifications à la conception devraient être envisagées afin de réduire la probabilité d’une intrusion par inadvertance. Cela peut inclure le choix du site (lorsque les options relatives à la sélection du site sont réalisables), l’implantation de l’installation de stockage définitif à une profondeur qui décourage l’intrusion, l’intégration de caractéristiques de conception robustes qui rendent l’intrusion plus difficile, et la mise en œuvre de contrôles institutionnels actifs ou passifs, selon le cas.

Pour ce qui est de la gestion des déchets près de la surface, outre la conception et l’optimisation, l’évaluation des scénarios d’intrusion humaine aide également à élaborer des critères d’acceptation des déchets, à mettre en place les périodes de référence nécessaires pour les contrôles institutionnels, et à déterminer s’il y a lieu de recourir à un stockage définitif plus profond de certains flux de déchets.

Dans le cas des dépôts géologiques en profondeur, où la probabilité d’intrusion a déjà été réduite par l’optimisation des caractéristiques du site, de la profondeur et de la conception de l’installation, les résultats de l’évaluation des scénarios d’intrusion humaine devraient être utilisés à titre d’illustration. Les scénarios d’intrusion humaine involontaire dans de tels dépôts pourraient estimer des doses supérieures à la limite réglementaire. L’interprétation de tels résultats devrait donc tenir compte du degré d’incertitude associé à l’évaluation, du degré de prudence de la limite de dose et de la probabilité d’intrusion. Tant la probabilité que les conséquences de l’intrusion devraient être indiquées.

8.1.3.3 Périodes de référence de l’évaluation

Le demandeur ou le titulaire de permis doit s’assurer que toutes les répercussions futures pouvant découler des déchets radioactifs incluent la période pendant laquelle les effets futurs potentiels des déchets radioactifs culmineront.

Une justification doit être fournie pour la période de référence associée à l’évaluation de la sûreté. L’approche adoptée pour déterminer les différentes périodes de l’évaluation de la sûreté devrait tenir compte des éléments suivants :

  • la durée de vie dangereuse des contaminants associés aux déchets
  • la durée de la période opérationnelle (avant que l’installation de stockage définitif n’atteigne son état final)
  • la durée de vie des barrières artificielles
  • la durée des contrôles institutionnels actifs et passifs
  • la fréquence des événements naturels et des changements environnementaux anthropiques (p. ex., séismes, inondations, sécheresses, glaciations ou changements climatiques)
  • le degré de protection et d’isolement requis à long terme contre les intrusions involontaires

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait documenter et justifier les périodes de référence de performance présumées des barrières artificielles, ainsi que l’évolution de leurs fonctions de sûreté au fil du temps. Selon l’objectif de l’évaluation, il peut s’avérer pratique de diviser la période de référence globale en plusieurs créneaux de temps plus courts, aux fins de modélisation ou de présentation. Des paramètres ultimes différents pour différents peuvent aussi être utilisés créneaux de temps.

Avec de longues périodes de référence des événements plus graves (présentant une faible probabilité annuelle de dépassement) devraient alors être envisagés dans la conception du système de stockage définitif et de ses composants. Par exemple, le séisme de référence qui sera choisi pour un système ou ses composants dépend de la probabilité et des conséquences d’une défaillance si un séisme plus grave que celui de référence se produit pendant la période de référence. Si les conséquences sont importantes, le séisme de référence devrait être choisi de façon que la probabilité de dépassement du séisme de référence durant la période de référence soit moindre. Un séisme de référence est souvent associé à une périodicité (en années), qui est l’inverse de sa probabilité annuelle de dépassement. Par exemple, la probabilité annuelle de dépassement pour un séisme dont la période de récurrence est de 10 000 ans est de 1/10 000. Par conséquent, pour une année donnée, la probabilité qu’un séisme plus grave que le séisme de référence se produise est de 1/10 000 (0,01 %). Pour une période de référence de 10 000 ans, cette dernière probabilité augmente à 63 % et pour une période de référence de 100 000 ans, elle est proche de 100 %.

8.1.4 Élaboration et utilisation des modèles d’évaluation

Lors de l’élaboration des modèles d’évaluation, le demandeur ou le titulaire de permis devrait employer divers outils de calcul (modèles conceptuels et mathématiques) pour prévoir les conditions futures afin de les comparer aux critères d’acceptation.

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait élaborer un modèle conceptuel, qui est une représentation du comportement du système de stockage définitif et qui comporte la description des composants du système et les interactions entre ces composantes. Ce modèle devrait aussi comprendre un ensemble d’hypothèses reflétant les données et les connaissances disponibles sur la géométrie du système et le comportement chimique, physique, biologique, mécanique et géologique de l’installation ou de l’activité.

Les modèles conceptuels du site et le système de stockage définitif doivent souvent être simplifiés pour correspondre aux limites des équations mathématiques et aux capacités des modèles informatiques. Un modèle mathématique représente les caractéristiques et les processus du modèle conceptuel sous forme d’équations mathématiques.

Le niveau de précision requis dans les modèles d’évaluation de la sûreté post-fermeture et le degré de prudence souhaité dans les résultats sont déterminés par ce qui suit :

  • l’objectif de l’évaluation de la sûreté
  • l’importance des résultats du modèle pour pouvoir indiquer la sûreté et la performance prévues
8.1.4.1 Confiance à l’égard des modèles d’évaluation de la sûreté

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait s’assurer que les modèles d’évaluation de la sûreté sont adaptés à l’objectif. Les paramètres d’entrée, les scénarios analysés et les résultats devraient être prouvés conformes aux hypothèses et aux limites du modèle.

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait conserver des dossiers sur la manière dont les données de caractérisation propres au site et au système ont été utilisées pour déterminer les paramètres d’entrée.

Le processus d’évaluation des modèles d’évaluation de la sûreté devrait chercher à déterminer et comprendre les principaux processus radiologiques, physiques, chimiques et biologiques qui sont importants pour la sûreté aux différentes échelles spatiales et temporelles associées à l’évaluation de la sûreté. Il est possible d’utiliser des modèles sophistiqués et détaillés des processus pour déterminer si ceux-ci ont suffisamment d’influence pour être intégrés au modèle d’évaluation de la sûreté post-fermeture ou s’ils peuvent être simplifiés ou ignorés sans que cela compromette la fiabilité des prévisions.

L’évaluation des modèles devrait comprendre des analyses de sensibilité montrant que les résultats produits par les modèles reflètent de manière attendue la variation des paramètres d’entrée. Elle devrait aussi comprendre des analyses des incertitudes et de l’importance pour montrer quels sont les paramètres qui contrôlent la variabilité des résultats des modèles. Ces analyses devraient démontrer à quel point les modèles reproduisent bien les faits connus et compris concernant les processus simulés. Les résultats de ces analyses devraient être prouvés conformes aux limites et restrictions des hypothèses des modèles d’évaluation de la sûreté.

La nécessité d’évaluer l’incertitude des modèles d’évaluation de la sûreté dépend du niveau de confiance nécessaire à l’égard des résultats de la modélisation. Le niveau de confiance acceptable est régi par l’objectif de l’évaluation de la sûreté, par le facteur de sûreté intégré dans les critères d’acceptation des indicateurs de sûreté et par l’importance des résultats du modèle d’évaluation de la sûreté pour le dossier de sûreté.

Ni les études de sensibilité ni les analyses des incertitudes des modèles déterministes ou probabilistes ne peuvent en elles-mêmes tenir compte des incertitudes du modèle conceptuel sous-jacent ni des incertitudes liées aux limites du modèle mathématique utilisé pour décrire les processus. L’analyse de telles incertitudes nécessiterait l’utilisation de différents modèles mathématiques et informatiques reposant sur d’autres modèles conceptuels.

La confiance à l’égard du modèle d’évaluation de la sûreté peut être améliorée de différentes façons, comme :

  • l’exécution de prévisions indépendantes selon des stratégies d’évaluation de la sûreté et des outils informatiques entièrement différents
  • la démonstration de la cohérence entre d’une part les résultats du modèle d’évaluation de la sûreté post-fermeture, et d’autre part l’évaluation complémentaire de la portée et des limites de la sûreté
  • l’application du modèle d’évaluation de la sûreté à un analogue du système de stockage définitif
  • l’exécution d’études de comparaison de modèles au moyen de problèmes de référence
  • l’examen scientifique par les pairs, sous forme de publication dans la littérature ouverte
  • d’autres pratiques largement utilisées par la communauté scientifique et technique
  • la démonstration de la cohérence entre les résultats du modèle et les études sur le terrain propres au site
8.1.4.2 Confiance à l’égard des outils de calcul

Le demandeur ou le titulaire de permis devrait s’assurer que les programmes informatiques sont adaptés à une évaluation donnée. Ces programmes peuvent être des logiciels disponibles dans le commerce ou des logiciels développés expressément pour l’évaluation en question.

Les logiciels utilisés pour les calculs dans l’évaluation devraient être qualifiés conformément aux normes applicables.

L’étalonnage des modèles informatiques et la vérification et la validation des logiciels sont les principaux processus en cause dans l’assurance de la qualité des logiciels. L’étalonnage consiste à modifier des paramètres ajustables dans équations mathématiques de manière à minimiser l’écart entre les réponses calculées et les réponses mesurées du système, ces dernières étant connues.

Le titulaire ou demandeur de permis devrait vérifier et valider tous les logiciels utilisés pour l’évaluation de la sûreté ou citer en référence des validations existantes. La vérification donne l’assurance que le programme fonctionne comme il se doit (c.-à-d. que les équations mathématiques du modèle informatique sont résolues correctement). Cela peut être vérifié au moyen de problèmes de référence conçus pour le type de modèle évalué. La validation sert à confirmer que les équations mathématiques du modèle informatique simulent, avec une précision raisonnable, les processus et les conditions qu’elles sont censées représenter.

8.1.5 Interprétation des résultats

Lors de l’interprétation des résultats de l’évaluation de la sûreté, le demandeur devrait démontrer qu’il comprend à fond les principes scientifiques et techniques sous‑jacents qui influent sur les résultats de l’évaluation de la sûreté. L’interprétation devrait comprendre l’évaluation de la conformité aux critères d’acceptation et l’analyse des incertitudes associées à l’évaluation de la sûreté.

Les résultats de l’évaluation de la sûreté devraient aussi être analysés pour montrer leur conformité avec les attentes à l’égard de la performance du système et avec l’ensemble des hypothèses et simplifications utilisées dans l’élaboration des modèles et des scénarios. Tout résultat ou écart inattendu devrait être consigné, examiné et expliqué.

8.1.5.1 Comparaison des résultats de l’évaluation de la sûreté aux critères d’acceptation

L’un des objectifs de l’évaluation de la sûreté est de comparer les paramètres ultimes de l’évaluation de la sûreté avec les critères d’acceptation. Cette comparaison devrait comporter une discussion sur le degré de prudence des résultats du modèle, et sur le degré de prudence intégré dans les critères d’acceptation des paramètres ultimes de l’évaluation.

Si les résultats de l’évaluation de la sûreté ne démontrent pas le respect des critères d’acceptation, l’évaluation de la sûreté doit être révisée. Suffisamment de détails devraient être fournis pour que la CCSN puisse vérifier les résultats.

Toutefois, le respect des critères d’acceptation n’est pas suffisant en soi pour qu’un dossier de sûreté soit accepté, car le respect des exigences de sûreté additionnelles doit aussi être prouvé.

8.1.5.2 Analyse des incertitudes

Une analyse des incertitudes entourant les résultats de l’évaluation devrait être effectuée pour relever les sources et l’importance des incertitudes. Cette analyse devrait faire la distinction entre les incertitudes attribuables à diverses sources :

  • les données ou les paramètres d’entrée
  • les hypothèses des scénarios
  • l’imprécision du modèle mathématique
  • les modèles conceptuels

L’analyse de la sensibilité est utilisée pour déterminer l’importance relative de l’incertitude d’un paramètre d’entrée pour les résultats de l’évaluation de sûreté.

Alors que les critères d’acceptation sont habituellement exprimés sous forme de valeurs uniques, les résultats des évaluations de la sûreté, tant déterministes que probabilistes, comportent une incertitude. Il est prévu que la comparaison entre les paramètres ultimes de l’évaluation de la sûreté et les critères d’acceptation tiendront compte explicitement des incertitudes dans l’évaluation de la sûreté, à savoir :

  • pour les analyses déterministes de la sûreté, l’attente est que la plage d’incertitude des résultats calculés, telle que déterminée dans le cadre d’une analyse de la sensibilité (ou d’une analyse de l’importance) doit être explicitement indiqué dans la comparaison
  • pour les études probabilistes de sûreté, la probabilité de dépasser les critères d’acceptation devrait être déterminée à partir de la distribution des résultats calculés. Si la plage des résultats de l’évaluation de la sûreté, obtenue par une analyse déterministe des incertitudes ou par une distribution probabiliste des résultats, montre qu’une partie des résultats peut dépasser les critères d’acceptation, le demandeur devrait démontrer que ces résultats ne représenteront pas un risque déraisonnable pour l’environnement ou pour la santé et la sécurité des personnes, compte tenu du degré de prudence intégré dans les calculs de l’évaluation de la sûreté et de la probabilité que surviennent les circonstances menant à ces résultats.

Glossaire

Les définitions des termes utilisés dans le présent document figurent dans le REGDOC‑3.6, Glossaire de la CCSN, qui comprend des termes et des définitions tirés de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, de ses règlements d’application ainsi que des documents d’application de la réglementation et d’autres publications de la CCSN. Le REGDOC‑3.6 est fourni à titre de référence et pour information.

Références

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  2. CCSN. REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome II : Gestion des stériles des mines d’uranium et des résidus des usines de concentration d’uranium, Ottawa, 2018.
  3. CCSN. REGDOC-3.5.3, Principes fondamentaux de réglementation, Ottawa, 2018.
  4. CCSN. REGDOC-2.1.1, Système de gestion, Ottawa, 2019.
  5. CCSN. REGDOC-2.4.3, Sûreté-criticité nucléaire, Ottawa, 2020.
  6. CCSN. REGDOC-1.2.1, Orientation sur la caractérisation des emplacements de dépôts géologiques en profondeur, Ottawa, 2021.
  7. CCSN. REGDOC-2.11.1, Gestion des déchets, tome I : Gestion des déchets radioactifs, Ottawa, 2021.
  8. Commission internationale de protection radiologique (CIPR). Publication 103, The 2007 Recommendations of the International Commission on Radiological Protection, Royaume‑Uni, 2007.
  9. Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Prescriptions de sûreté particulières SSR-5, Stockage définitif des déchets radioactifs, Vienne, 2011.
  10. Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME). Recommandations canadiennes pour la qualité de l’environnement, Ottawa, 2014.
  11. Comité scientifique des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants. Rapport de 1996 à l’Assemblée générale, Sources and Effects of Ionizing Radiation, New York, 1996.
  12. Larsson, C.-M. « An overview of the ERICA integrated approach to the assessment and management of environmental risks from ionizing contaminants », Journal of Environmental Radioactivity, vol. 99, p. 1364 à 1370. Stockholm, 2008.
  13. Brown et al. « The ERICA Tool », Journal of Environmental Radioactivity, vol. 99, 2008, p. 1371 à 1383, Stockholm, 2008.
  14. National Council on Radiation Protection and Measurements (NCRP). NCRP Reports Vol. XXII No. 112–114, Bethesda, 1991.
  15. AIEA. Collection Rapports techniques de l’AIEA no 332, Effects of Ionizing Radiation on Plants and Animals at Levels Implied by Current Radiation Protection Standards, Vienne, 1992.
  16. Environnement et Changement climatique Canada. Liste de substances d’intérêt prioritaire, Rejets de radionucléides des installations nucléaires (effets sur les espèces autres que l’être humain), Ottawa, 2003.
  17. CIPR. Publication 108, Environmental Protection – the Concept and Use of Reference Animals and Plants, Royaume‑Uni, 2008.
  18. Groupe CSA. CSA N288.1, Guide de calcul des limites opérationnelles dérivées de matières radioactives dans les effluents gazeux et liquides durant l’exploitation normale des installations nucléaires, Mississauga, 2014.
  19. Groupe CSA. CSA N288.6, Évaluation des risques environnementaux aux installations nucléaires de catégorie I et aux mines et usines de concentration d’uranium, Mississauga, 2012.
  20. AIEA. IAEA TECDOC-1077, Critical Groups and Biospheres in the Context of Radioactive Waste Disposal, Vienne, 1999.
  21. AIEA. IAEA BIOMASS-6, Reference Biospheres for Solid Radioactive Waste Disposal, Vienne, 2003.

Renseignements supplémentaires

La CCSN pourrait recommander d’autres documents sur les pratiques exemplaires et les normes, comme ceux publiés par le Groupe CSA. Avec la permission du Groupe CSA, qui en est l’éditeur, toutes les normes de la CSA associées au secteur nucléaire peuvent être consultées gratuitement à partir de la page Web de la CCSN « Comment obtenir un accès gratuit à l’ensemble des normes de la CSA associées au nucléaire ».

Les documents suivants ne sont pas cités dans le présent document d’application de la réglementation, mais ils renferment des renseignements qui pourraient être utiles au lecteur.

Série de documents d’application de la réglementation de la CCSN

Les installations et activités du secteur nucléaire du Canada sont réglementées par la CCSN. En plus de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et de ses règlements d’application, il pourrait y avoir des exigences en matière de conformité à d’autres outils de réglementation, comme les documents d’application de la réglementation ou les normes.

Les documents d’application de la réglementation préparés par la CCSN sont classés en fonction des catégories et des séries suivantes :

1.0 Installations et activités réglementées

Séries

  • 1.1 Installations dotées de réacteurs
  • 1.2 Installations de catégorie IB
  • 1.3 Mines et usines de concentration d’uranium
  • 1.4 Installations de catégorie II
  • 1.5 Homologation d’équipement réglementé
  • 1.6 Substances nucléaires et appareils à rayonnement

2.0 Domaines de sûreté et de réglementation

Séries

  • 2.1 Système de gestion
  • 2.2 Gestion de la performance humaine
  • 2.3 Conduite de l’exploitation
  • 2.4 Analyse de la sûreté
  • 2.5 Conception matérielle
  • 2.6 Aptitude fonctionnelle
  • 2.7 Radioprotection
  • 2.8 Santé et sécurité classiques
  • 2.9 Protection de l’environnement
  • 2.10 Gestion des urgences et protection-incendie
  • 2.11 Gestion des déchets
  • 2.12 Sécurité
  • 2.13 Garanties et non-prolifération
  • 2.14 Emballage et transport

3.0 Autres domaines de réglementation

Séries

  • 3.1 Exigences relatives à la production de rapports
  • 3.2 Mobilisation du public et des Autochtones
  • 3.3 Garanties financières
  • 3.4 Séances de la Commission
  • 3.5 Processus et pratiques de la CCSN
  • 3.6 Glossaire de la CCSN

Remarque : Les séries de documents d’application de la réglementation pourraient être modifiées périodiquement par la CCSN. Chaque série susmentionnée peut comprendre plusieurs documents d’application de la réglementation. Pour obtenir la plus récente liste des documents d’application de la réglementation, veuillez consulter le site Web de la CCSN.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Pour le stockage définitif, la performance devrait tenir compte de la dégradation des barrières pendant la période de référence associée à l’installation de stockage définitif.

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